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La prévalence des troubles du neurodéveloppement (TND) augmente dans tous les pays depuis une vingtaine d’années (Pascale Santi, Le Monde)

La prévalence des troubles du neurodéveloppement (TND) augmentedans tous les pays depuis une vingtaine d’années, plus particulièrement celle des troubles du spectre autistique (TSA) et du trouble du déficit de l’attention et/ou hyperactivité (TDAH). Aux Etats-Unis, 17,8 % des enfants étaient affectés de TND durant la période 2015-2017, contre 16,2 % dans les années 2009-2011, selon l’étude de Benjamin Zablotsky publiée dans Pediatrics en 2019. Les chiffres sont similaires en France, affirment les cliniciens, mais il n’existe pas d’étude épidémiologique sur le sujet.

Les TND, qui recouvrent aussi les troubles du développement intellectuel, se caractérisent par un retard de développement et se traduisent par des atteintes sensori-motrices, comportementales, cognitives, pouvant générer des difficultés d’apprentissage, notamment les « dys » (dyslexie, dyscalculie…). Ils apparaissent souvent durant la petite enfance. Ce terme recouvre des situations très hétérogène

« Les TND constituent un problème majeur de santé publique. Ils entraînent des problèmes fonctionnels précoces, chroniques, et durables, avec un retentissement important sur la famille et la société », indique une note épidémiologique demandée par Claire Compagnon, déléguée interministérielle chargée de la politique publique de l’autisme et des TND. Selon les chiffres de l’Inserm, les TSA touchent 700 000 personnes, dont 100 000 mineurs.

Le rôle des facteurs environnementaux

Quelques jours avant la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme du dimanche 2 avril, Claire Compagnon a jugé, mardi 28 mars, lors d’un discours à l’Académie de médecine, que « ces données épidémiologiques donnent un peu le vertige ». Selon la déléguée interministérielle, « elles montrent clairement la nécessité et l’importance du travail à conduire en termes de recherche, de prévention et d’accompagnement des personnes »« En en faisant en 2018 une priorité, le gouvernement a voulu changer de paradigme. Une enveloppe supplémentaire de 550 millions d’euros a été consacrée à cette cause, notamment la recherche », a-t-elle rappelé.

Si la génétique représente un des facteurs établis, les données scientifiques suggèrent que les TSA et les TND ont des origines multiples. « Si une telle hausse peut être expliquée par l’évolution des critères diagnostiques et celle de la connaissance, d’autres facteurs pourraient contribuer à l’augmentation de la prévalence du TND, notamment l’influence des changements majeurs de l’environnement (alimentation, mode de vie, activités professionnelles, etc.) », indique la note épidémiologique. Ainsi, les pouvoirs publics ont annoncé le lancement de la cohorte épidémiologique Marianne, qui vise, en suivant 1 700 femmes enceintes, à évaluer le rôle des facteurs environnementaux dans la survenue des TND chez l’enfant.

La prise en charge reste toutefois insuffisante. « Les associations et des familles témoignent au quotidien de mauvaises pratiques qui perdurent : culpabilisation, diagnostics obsolètes, voire inadéquats, retards de diagnostics et de soins, etc. », a rappelé Claire Compagnon devant les académiciens.

Forte inégalité territoriale

L’enjeu du dépistage précoce est essentiel. En 2022, 41 000 enfants ont été repérés et adressés à l’une des 97 plates-formes de coordination et d’orientation (PCO),une augmentation certaine en comparaison des 150 et 6 000 enfants détectés respectivement en 2019 et 2020, a précisé Claire Compagnon, pour qui l’un des buts est de déployer ces dispositifs de repérage pour les 7-12 ans.

« Il est crucial de repérer le plus tôt possible, si possible avant 3 ans, un écart dans la trajectoire développementale, d’éventuels troubles sensoriels, neurovisuels, du développement, des fonctions motrices, du langage, à une époque où la plasticité cérébrale est forte », indique Stéphane Marret, chef du service de pédiatrie néonatale au CHU de Rouen, qui pilote l’une des plates-formes des TND prenant en charge 2 500 enfants, parfois avant même de poser un diagnostic.

« Ce sont souvent les parents qui observent des difficultés au plan sensoriel, moteur, des comportements particuliers avec des enfants parfois trop calmes ou, au contraire, qui pleurent beaucoup. L’enjeu est de pouvoir mettre en place des interventions précoces », poursuit le spécialiste, également chercheur.

S’il salue le fait que ces dispositifs ont permis aux professionnels de mieux travailler ensemble, Stéphane Marret déplore des délais encore trop longs : « Lorsque le médecin traitant (de protection maternelle et infantile, pédiatre ou médecin généraliste) a saisi la plate-forme, le délai est de six mois pour traiter le dossier, puis jusqu’à un an pour la prise en charge de l’enfant. » Il existe en effet en France une forte inégalité territoriale, qui a pour conséquence des délais de consultation dans les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) pouvant aller de six mois minimum à un ou deux ans. Il apparaît doncnécessaire de renforcer les plates-formes, sous-dotées en ressources humaines, ainsi que les équipes des CAMSP, qui regroupent médecins, psychologues, rééducateurs, éducateurs…

Or, plus l’intervention est précoce, plus la trajectoire peut être améliorée. « L’enjeu est aussi d’impliquer le plus vite possible les parents par des programmes de guidance parentale, insiste Stéphane Marret. Les données de la science montrent qu’il faut aller le plus possible vers le repérage des difficultés sensorielles, des troubles neurovisuels, des difficultés motrices… pour pouvoir accompagner assez rapidement ces enfants. » Et agir dans le domaine de la prévention dès la grossesse, la prématurité étant un facteur de risque très important des TND. La nouvelle stratégie gouvernementale 2023-2027 devrait être dévoilée en mai, à l’issue d’une consultation citoyenne en ligne d’un mois.

Pascale Santi

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