Autisme : une vaste étude française pour étudier le rôle de l’environnement (Charlène Catalifaud, Le Quotidien du Médecin)
En marge de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme qui se tient comme chaque année le 2 avril, les ministères de la Recherche et des Personnes handicapées ont lancé une vaste étude afin de tenter de comprendre le rôle des facteurs environnementaux dans les troubles du neurodéveloppement (TND). La cohorte Marianne devrait inclure 1 700 familles, qui seront suivies pendant dix ans.
Le taux de prévalence des troubles du spectre autistique (TSA) est estimé à 2 % des naissances, en augmentation dans les pays occidentaux, selon la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme. Et un enfant sur six présente un TND, selon le ministère chargé des Personnes handicapées. Les TND rassemblent l’autisme, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), les troubles de la communication, de la motricité ou des apprentissages (dysphasie, dyspraxie, dyslexie, dyscalculie, dysorthographie…), le trouble du développement intellectuel.
« Les progrès du dépistage n’expliquent qu’en partie cette hausse. Des facteurs environnementaux – alimentation, mode de vie, pollution, médicaments… – pourraient contribuer à l’augmentation de la prévalence de ces troubles », indiquait le 28 mars la déléguée interministérielle à l’autisme, Claire Compagnon, devant l’Académie de médecine.
1 200 familles avec un enfant autiste
L’autisme était il y a 30 ans considéré comme une maladie rare. Pourquoi sa prévalence a-t-elle tant augmenté ? L’objectif de la cohorte Marianne est d’identifier les déterminants des troubles du développement, les mécanismes et ainsi ouvrir la voie à des traitements.
Hôpitaux, services sociaux, associations vont recruter des mères au deuxième trimestre de grossesse, dont 1 200 qui ont déjà un enfant autiste, dans les départements de l’Eure, Gard, Haute-Garonne, Hérault, Loire, Nord, Rhône, Seine-Maritime, Tarn et Tarn-et-Garonne. Au fil des années seront effectués prélèvements biologiques, observations pédiatriques et suivi des problématiques de santé et sociales.
« Lorsqu’un enfant a un frère ou une sœur autiste, il a un risque accru de 50 % d’avoir lui-même des troubles du neurodéveloppement, explique à l’AFP la Pr Amaria Baghdadli, responsable scientifique de la cohorte. Notre modèle est que les troubles du développement et l’autisme sont liés à une interaction entre un terrain génétique et des facteurs de l’environnement, présents dans une période très précoce : les 1 000 premiers jours, c’est-à-dire la vie fœtale et les premiers mois de la vie. »
Des produits chimiques qui passent la barrière placentaire
Les expositions sont multiples : toxiques, pesticides, métaux lourds, certains médicaments et polluants chimiques comme le bisphénol (interdit depuis 2015 dans les biberons), phtalates… « La littérature scientifique suggère qu’ils ont un lien avec des troubles du développement, mais nous n’avions pas d’infrastructure de recherche qui permette de valider suffisamment ces résultats, ajoute la responsable du centre d’excellence autisme à Montpellier, qui dépend du CHU de cette ville. Ces produits chimiques, pour certains, passent la barrière placentaire et peuvent se trouver en contact direct avec un fœtus qui est très vulnérable car des organes essentiels comme le cerveau sont en pleine phase de construction. »
Les enfants des familles de la cohorte Marianne pourront être diagnostiqués précocement et suivis dans les cinq centres dédiés à la recherche et au suivi des personnes autistes, les centres d’excellence autisme. Le diagnostic a lieu actuellement en moyenne à l’âge de quatre ans, alors qu’un dépistage précoce permet la mise en œuvre de dispositifs qui réduisent le handicap.
Les bases de données récoltées grâce à la cohorte Marianne pourront être accessibles aux chercheurs et à des entreprises pour concevoir des outils de diagnostic ou des traitements. Elles permettront aussi de renforcer la prévention auprès des femmes enceintes et d’avoir des indicateurs fiables pour mener des politiques de santé publique.