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Contention et isolement en pédopsychiatrie : doit-on les interdire ? (Frédéric Haroche, Journal International de Médecine)

Paris, le mercredi 16 mars 2022 – À l’initiative du « Printemps de la psychiatrie », qui dénonce une paupérisation et une déshumanisation des soins psychiques, 500 personnes se sont réunies les 11 et 12 mars à la Bourse du travail de Paris pour des Assises citoyennes. Elles proposaient une vaste réflexion visant à la « refondation du soin psychique en psychiatrie et pédopsychiatrie, dans le médico-social, social, en pratique libérale, et dans la société en général à travers le dialogue citoyen et pluridisciplinaire ».
Parmi les six ateliers organisés, l’un d’entre eux se penchait sur l’épineuse question de la pédopsychiatrie, parent pauvre d’une psychiatrie déjà parent pauvre de la médecine.

Le retour de « pratiques asilaires honteuses »
Cet atelier « Urgence de repenser l’Enfance en souffrance » a publié un communiqué à l’issue de ses travaux adressé aux parlementaires et aux candidats à la magistrature suprême.
Les participants demandent ainsi aux parlementaires de se saisir de ce dossier et d’organiser un débat sur « l’inclusion des enfants, adolescents et adultes en situation de handicap et sur les pratiques de contention et de sur-médication des enfants et adolescents » et aux candidats de se positionner sur ces questions.
Sur ce second point, ces Assises observent : « loin d’une désinstitutionnalisation, (…), ce que nous voyons apparaître, c’est le retour de pratiques asilaires honteuses, intolérables et illégales dans certains lieux ou certains services d’urgences : contentions et surprescriptions de psychotropes ». Pour ces Assises, le « nouveau management public » est en cause dans cette évolution.
Or, un autre modèle, appliqué dans certaines institutions apparaît possible : « nous affirmons qu’un certain nombre de lieux pratiquent au contraire un accueil chaleureux, ouvert et vivant, que les enfants et adolescents qui y sont reçus sont pris au sérieux, sont des interlocuteurs valables, qui peuvent influer sur le fonctionnement même de ces lieux. Aussi, lorsque des pratiques intolérables apparaissent quelque part : isolement, contention, médication inadaptée ou excessive, d’enfants et d’adolescents, nous exigeons qu’elles soient dénoncées radicalement, que leurs auteurs soient poursuivis ».

L’hospitalisation libre existe-t-elle vraiment en pédopsychiatrie ?
Alors que les textes n’interdisent nullement la pratique de la contention et de l’isolement sur les mineurs admis pour des soins psychiatriques et ne prévoient aucune disposition spécifique, les participants à ces Assises demandent donc d’urgence, à la représentation nationale, la prohibition formelle de la contention des plus jeunes, « pratique dont nous affirmons qu’elle n’est jamais thérapeutique mais toujours traumatisante ». Un point qui, rappelons-le, fait régulièrement débat dans la communauté psychiatrique, y compris dans nos colonnes.
Une chose est certaine, les mineurs apparaissent avoir moins de droits que leurs aînés.
Ainsi, en 2017, le CGLPL indiquait concernant les prmeiers : « l’hospitalisation peut être totalement imposée par un tiers – les parents, voire le directeur de l’établissement qui l’accueille – sans qu’il bénéficie des garanties reconnues aux majeurs en situation comparable : il n’est pas nécessaire de justifier qu’il présente des troubles mentaux rendant impossible son consentement ; il n’est pas exigé que son état mental impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante ; il n’est pas exigé que la demande soit accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours dont l’un émanant d’un médecin n’exerçant pas dans l’établissementd’accueil. Et pourtant, ce type d’hospitalisation, qui n’a de libre que le nom, n’est pas soumis au contrôle du juge. Tout se passe comme si ces « tiers » étaient présumés agir dans l’intérêt de l’enfant, le médecin de l’établissement d’accueil en étant le meilleur garant ».

Un consensus international contre ces pratiques
Face à cette situation française caractérisée par une forme de « non droit », un certain consensus contre l’isolement et la contention en pédopsychiatrie semble se dégager au niveau international.
Les membres de l’association européenne pour les enfants hospitalisés (EACH) ont ainsi indiqué que la contention devait être évitée dans toutes les procédures médicales ou infirmières, « à moins qu’il n’y ait pas d’autre alternative et que l’on se trouve dans une situation menaçante
pour la vie de l’enfant » lors d’une conférence à Dublin en 2010.
Le 1er avril 2015, deux experts des droits de l’homme des Nations Unies Catalina Devandas Aguilar et Dainius Pûras ont indiqué que l’utilisation de mesures de contention physique ou chimique, entre autres approches médicalisées à destination d’enfants et d’adultes autistes, pouvait être particulièrement néfaste et conduire à la détérioration de leur état. Ils ajoutent que « trop souvent, ces pratiques constituent des mauvais traitements ou des tortures ». Lors de sa visite d’octobre 2017 en France, Catalina Devandas Aguila a rappelé que le recours à l’isolement et à la contention, ainsi que la pratique du « packing » pour les personnes autistes constituaient des traitements dégradants à l’encontre de personnes handicapées faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement.

Le précédent du packing
Rappelons que le packing est une technique de traitement de l’autisme consistant à envelopper transitoirement le patient de linges humides, froids ou à température ambiante. Elle est utilisée dans les cas d’autisme infantile avec manifestations d’automutilations ou dans les cas de psychose avec tendance à l’agressivité. Le but est de chercher à faire reprendre au patient une certaine conscience de l’image de son corps. Elle a été introduite en France dans les années 1960 par le psychiatre américain M. A. Woodbury, où elle a principalement été utilisée ensuite.
Début 2016, le comité des droits de l’enfant de l’ONU s’estime préoccupé par la pratique du « packing » en France, « considérée comme une mise en danger de la santé, de la sécurité et du bien-être moral et physique des personnes accompagnées par ces établissements ». Dans ce cadre, une circulaire du 22 avril 2016 du Ministère de la Santé subordonne désormais certaines subventions au respect de l’engagement de lutte contre la maltraitance, et donc à l’absence totale de pratique du « packing ».
Il apparaîtrait en tout cas judicieux que soit diligentée une enquête pour déterminer l’ampleur du recours à l’isolement et à la contention en pédopsychiatrie, qu’un cadre législatif spécifique aux mineurs soit édicté et que la HAS établisse un guide de bonne pratique visant à réduire ces pratiques à leur portion congrue.
Frédéric Haroche 

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