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Compte rendu de la table ronde des Premières rencontres Sciences et Société de l’INSERM (Michel FAVRE, Bulletin scientifique 49 de l’ARAPI)

Le 10 juin dernier se sont tenues les 1ère Rencontres Sciences et Société de L’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). Ce colloque réunissait à la fois des chercheurs et des associations de patients afin de favoriser des échanges et ouvrir une porte d’entrée vers la recherche participative. Au cours de la journée s’est tenue une table ronde ayant pour titre « Mobilités, Environnements et Santé ». Elle était animée par la journaliste Sandie Keignaert. Parmi les Cinq intervenantes à la table ronde, deux ont basé leur exposé sur l’autisme ce qui fait l’objet de ce compte rendu.

En préambule à cette table ronde, Fabian Docagne, chercheur en neurosciences et responsable du Service Sciences et Société de l’INSERM a introduit dans le cadre de la recherche participative le thème de mobilité, environnement et santé. A titre d’exemple, il a mentionné que pour les personnes autistes les croix vertes des pharmacies peuvent constituer un élément perturbateur et handicaper leur déplacement dans la ville en raison de leurs problèmes sensoriels. Il a rappelé que la mobilité représente un élément important de la santé et mentionné qu’à partir de cet aspect visuel des croix vertes on pouvait faire de la science. En effet, ceci permet de s’intéresser aux événements susceptibles de se passer dans le cerveau notamment aux régions cérébrales activées ou désactivées à la suite de stimulations trop fortes. Il faut noter que les méthodes d’investigation cérébrales disponibles à ce jour ont permis de faire un énorme progrès dans le domaine des neurosciences. Comment modifier ces éléments perturbateurs constitue un autre aspect de ces recherches.

Par la suite, Dominique Donnet Kamel, ex- ingénieure de l’INSERM et membre du Conseil Scientifique de l’ARAPI, a présenté son expérience sur les relations entre la recherche et les associations de patients. Elle a rappelé que l’INSERM se devait d’intervenir dans les mouvements de la société civile et jouer un rôle dans l’évolution de la recherche médicale et la santé. Avec plusieurs chercheurs et responsables de l’INSERM elle avait, il y a plus de 20 ans, créé le Groupe de Recherche avec les Associations de Malades (GRAM) et participé à la création de la Mission/Association pour développer le dialogue et les collaborations entre le monde des laboratoires et les associations de malades. Elle a ensuite mentionné son action au sein du Conseil Scientifique le l’ARAPI pour garantir auprès des personnes autistes un accompagnement adéquat et une qualité de vie susceptible de les inclure dans la société. Elle a mis l’accent sur le rôle essentiel des Universités d’Automne qui depuis plus de 30 ans réunissent plus de 350 personnes. Elle a parlé des interactions entre les différents acteurs de l’autisme en France et à l’étranger où la recherche scientifique s’intéresse à la vie quotidienne et aux besoins des personnes autistes. Ceci lui a permis de rappeler des programmes scientifiques ayant différents objectifs comme le sport, la mobilité, la motricité, l’architecture des lieux de vie, les aspects sensoriels et la domotique. Tout ceci afin de favoriser l’autonomie dans la cité, les nouvelles technologies et leur implication dans l’apprentissage et la gestion de la communication. Elle a mis l’accent sur le fait que les associations de parents souhaitent participer activement aux programmes de recherche et que l’enjeu pour les scientifiques est d’écouter les différentes demandes et de tenter de résoudre les questions posées. A la question de la journaliste sur le passage du dialogue associations/chercheurs à la recherche participative, Dominique Donnet Kamel a rappelé l’implication dans ce domaine de l’ARAPI et du Groupement d’Intérêt Scientifique Autisme et troubles du neuro développement (GIS Autisme et TND) dirigé par Catherine Barthélémy. Le GIS Autisme et TND s’est doté d’un groupe de réflexion avec les patients (GRASP) pour faire émerger les questions de recherche intéressant à la fois les chercheurs et les membres des associations. Ainsi, par exemple, le GIS a organisé un colloque sur les troubles du sommeil qui représente un problème très fréquent des TND et particulièrement chez les personnes avec autisme. Ceci devrait aboutir à la mise en place d’un projet de recherche européen basé sur un questionnaire qui vise à décrire en détails les symptômes des troubles et d’en faire état lors des consultations médicales pour apprécier les difficultés rencontrées dans le quotidien et la qualité de vie des personnes autistes. Pour terminer, Dominique Donnet Kamel a mentionné les travaux de l’équipe du Professeur Jean-Louis Mandel à Strasbourg sur la déficience intellectuelle dans le cadre de la recherche participative. En effet, ces recherches font appel à la collaboration très actives des parents en soulignant que ce sont eux qui possèdent la meilleure connaissance des troubles de leur enfant durant les différentes étapes de la vie.

Pour poursuivre la table ronde, Hajer Atti a présenté son projet de recherche très original. Elle est architecte et prépare une thèse dans l’UMR 5229 CNRS, Institut des Sciences Cognitives à Bron. Elle s’intéresse à l’impact de l’architecture sur le bien-être des personnes autistes du point de vue des neurosciences. En d’autres termes, elle cherche à comprendre et analyser les différentes régions du cerveau en relation avec l’espace. Il convient de rappeler que chez la personne autiste il est nécessaire de structurer l’espace pour clarifier le travail, faciliter le traitement des différentes informations reçues et favoriser la concentration. Il est donc essentiel de délimiter l’espace, les lieux qui ont un sens comme savoir où travailler seul ou en groupe, jouer, manger se détendre comme écouter de la musique. Il faut pouvoir pour ces personnes expérimenter physiquement les limites de l’endroit dans laquelle elle se trouvent afin de limiter l’impulsivité. Il est nécessaire de mettre en place une aire apaisante en tenant compte des critères sensoriels afin de prévenir les comportements défis. Il faut également favoriser des aires de travail autonome ou des aires de groupe et construire un lieu où il est facile d’interagir avec son espace. Ces espaces doivent diminuer les stimulations auditives, visuelles et prendre en compte la proximité physique et les relations avec autrui.

Hajer Atti a concentré son travail de recherche sur l’impact de l’architecture sur le cerveau en terme clinique. Elle a rappelé que dès les années 80, les architectes se sont intéressés à l’autisme en termes subjectifs en ignorant les questions neuro scientifiques, en particulier l’analyse des régions du cerveau stimulées par l’architecture. Elle a mis en place un protocole de recherche sous la direction du Professeur Caroline Demily coordinatrice du Centre d’Excellence Lyonnais pour l’autisme (IMIND). Dans un premier temps, elle a étudié les variations architecturales c’est-à-dire la composition de l’espace afin de définir si les personnes autistes préféraient en termes de volumétrie un espace ouvert vers l’extérieur ou au contraire un espace relativement clos avec des ouvertures limitées et un éclairage indirect.

Ce travail a été mené avec le Centre hospitalier du Vinatier à Bron et tout particulièrement avec son SESSAD ainsi qu’avec l’association Quasi Autisme Lyon pour le recrutement des participants. Le protocole expérimental est basé sur l’étude d’une image par « eye tracking » avec pour objectif de définir ce que les personnes préfèrent en termes d’esthétique. Dans un deuxième temps l’étude va consister à faire participer les personnes à la construction de leur espace à l’aide d’un logiciel 3D relativement simple. Les personnes pourront ainsi intervenir sur la composition de l’espace comme par exemple son agencement et jouer sur l’emplacement des murs, portes et fenêtres. Il faut souligner que ce travail s’adresse aux personnes autistes hyper ou hypo sensibles. Elle a rappellé que beaucoup de travaux ont concerné l’impact acoustique notamment dans les salles de classe ce qui peut influer sur les comportements répétitifs et les troubles du comportement. Ainsi ce projet de recherche s’adresse tout particulièrement aux personnes autistes et aux architectes en charge de construire des lieux de vie et de travail afin d’assurer une qualité de vie capable de favoriser leur épanouissement et leur bien-être dans la société. Ceci devrait contribuer à mobiliser les pouvoirs publics en charge de mettre en place une politique adéquate pour les personnes atteintes d’autisme.

En conclusion, cette thèse qui est en cours représente un aspect très original et novateur de la recherche participative et de l’implication des personnes autistes dans leur cadre de vie.

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