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Recherche en santé mentale : combler le retard français: Notre pays ne consacre que 2 à 4 % de son budget de recherche à des maladies pourtant très fréquentes. (Damien Mascret, Le Figaro du 16/10/2015)

«Nous sommes des patients devant les médecins et des citoyens en dehors», expliquait, le 6 octobre à Paris, Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy). Environ 12 millions de Français souffrent de maladies mentales, de l’autisme aux troubles anxieux en passant par les TOC, la schizophrénie ou la dépression. Une telle fréquence aurait dû banaliser la maladie mentale. Mais notre société est encore bien frileuse avec ce qui lui fait peur.

Les coûts associés aux pathologies psychiatriques atteignent un total de 109 milliards d’euros par an (sans compter les maladies neurologiques telles qu’Alzheimer ou la maladie de Parkinson, souvent confondues avec les maladies mentales par le grand public). Au risque de heurter la sensibilité des malades et de leurs proches, les économistes n’ont donc pas peur de parler du «fardeau des maladies mentales», avec l’espoir que les décideurs politiques en prennent conscience.

Selon la Fondation FondaMental, qui a travaillé en collaboration avec l’unité de recherche clinique en économie de la santé (URC-Éco) de l’APHP (Assistance publique des hôpitaux de Paris), ces 109 milliards se partagent entre quatre postes budgétaires: si le médical représente 13,4 mds d’euros et le médico-social 6,3 mds, le poids financier majeur vient de la perte de qualité de vie (65 mds) et de la perte de productivité (24,4 mds).

Ces chiffres contrastent de façon éclatante avec l’indigence des investissements de recherche en santé mentale: 2   à 4 % du budget de la recherche en France, contre 7 %, par exemple, au Royaume-Uni. «L’impact des maladies mentales en Europe est considérable. L’estimation, très conservatrice, est de 800 milliards d’euros par an», soulignait le Pr David McDaid, économiste de la santé (London School of Economics and Political Science), lors du colloque FondaMental/Roamer (Roadmap for mental health research in Europe) organisé le 6 octobre à Paris.

Certains responsables politiques commencent à prendre conscience de l’enjeu. En 2007, le ministère de la Recherche créait par décret la fondation FondaMental (1), fondation de coopération scientifique dédiée à l’innovation et à la recherche sur les maladies mentales dont l’ambition affichée est de «faire des maladies psychiatriques des maladies comme les autres». D’abord en décloisonnant les disciplines trop souvent tenues à l’écart de la psychiatrie.

En septembre 2013, Marisol Touraine affichait résolument son intention de faire de la santé mentale l’une des cinq priorités de santé publique lors de la présentation de la stratégie nationale de santé.

Enfin, la stratégie nationale de recherche qui sera présentée au premier ministre le 23 octobre devrait faire la part belle au modèle de la recherche translationnelle, initié par FondaMental. «Notre rôle est d’allier toutes les intelligences pour améliorer la compréhension, le soin et la prévention et redonner espoir aux patients et à leurs proches», explique sur son site la Fondation.

Le projet européen Roamer, financé par le 7e programme-cadre de la Commission européenne, a publié le 23 septembre dernier  (2) (The Lancet Psychiatry) les résultats d’un long travail, débuté en 2011, pour définir les priorités de la recherche en santé mentale pour les cinq à dix ans à venir. L’accent y est mis sur la prévention, notamment via des interventions auprès des enfants, adolescents et jeunes adultes. La moitié des troubles mentaux commencent avant l’âge de 14 ans, selon l’OMS, or la prise en charge précoce réduit la souffrance et améliore le devenir des malades.

Roamer prône également l’ouverture aux outils technologiques (e-health traitements), la menée d’actions pour réduire la stigmatisation dont souffrent les malades et une recherche plus soutenue sur les mécanismes des troubles mentaux tout au long de la vie.

«La recherche en santé mentale est assoupie en France, déplore pourtant Patrice Boyer, professeur de neurosciences et de psychiatrie à l’université Paris-Diderot. La France contribue au budget européen mais récupère très peu de fonds ensuite.» Le Pr Karine Chevreul (URC-Éco et équipe ECEVE) a cependant pu calculer que les publications scientifiques des chercheurs français avaient augmenté de 70 % entre 2009 et 2011.

Le Pr Marion Leboyer, qui dirige la Fondation FondaMental, plaide pour la création d’un institut national de recherche en psychiatrie. Mais pour que celui-ci marche dans les traces de l’Institut national du cancer, belle réussite, encore faudrait-il que notre pays investisse réellement dans la recherche en santé mentale. Il n’y consacre aujourd’hui que 26 millions d’euros par an!

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