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Feuille de route santé mentale : attractivité de la psychiatrie, souffrance de la jeunesse et pair-aidance, des priorités réaffirmées (Coline Garré, Le Quotidien du Médecin)

Des chiffres à foison, comme autant de preuves de l’avancée d’une politique publique en faveur de la santé mentale. Alors que la France cumule les records de consommation de psychotropes dans le monde (un quart des Français en prennent) et de suicidalité (13 suicides pour 100 000 habitants, première cause de mortalité des 15-35 ans), et que 15 à 20 % des Français sont concernés par la dépression, une tendance aggravée par la crise Covid, le ministère de la Santé publie un bilan des avancées de la feuille de route de 2018, enrichie en 2021 à la faveur des Assises nationales« L’heure n’est pas tant à l’annonce de nouvelles mesures qu’à la réussite des transformations en cours qui doit concentrer tous nos efforts », lit-on.

Financée à hauteur de 1,4 milliard d’euros sur la période 2018-2021, la feuille de route faisait de la prévention, du maillage territorial et de l’inclusion sociale, ses priorités. Les Assises ont donné lieu à 30 mesures et 1,9 milliard d’euros supplémentaires jusqu’en 2026. La coordination de la stratégie est assurée par le Pr Frank Bellivier, avec l’appui de la Commission nationale de la psychiatrie présidée par le Pr Michel Lejoyeux.

2 200 psychologues inscrits sur Monpsy

Mesure phare des Assises, le dispositif Monpsy (huit séances remboursées, chez un psychologue, sur adressage d’un médecin) a rallié 2 200 psychologues (sur un vivier de 18 000). Au 31 janvier 2023, il enregistrait plus de 90 600 patients, dont 71 % de femmes et 10 % de précaires, effectuant en moyenne quatre séances. Plus de 32 000 médecins, en grande majorité des généralistes, ont joué le jeu de l’adressage. Qui pourrait être élargi aux sages-femmes, dans le cadre de la détection de la dépression du post-partum ou dans les suites d’une fausse couche, à la suite d’une évaluation attendue en septembre.

Alors que les syndicats dénoncent régulièrement une crise inédite de leur discipline, l’offre de psychiatrie a été renforcée, assure le ministère. Ainsi, 10 millions d’euros permettent de soutenir 36 projets ciblés sur l’innovation organisationnelle en psychiatrie (parcours, soins somatiques, prévention et gestion des situations de crise, numérique, etc.), dont des projets « pépites », préfigurateurs de nouvelles modalités d’organisation (par exemple un réseau régional de formation pour une intervention précoce des aidants à Lyon). En outre, 20 millions d’euros abondent 58 projets ciblés sur la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Tous les départements ont désormais au moins une maison des adolescents (il en existe 122), chacune accompagnant en moyenne 850 situations par an.

Les Assises avaient acté la création sur trois ans de 400 postes de paramédicaux dans les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMP-IJ) et 400 autres dans les centres médico-psychologiques (CMP). « Huit millions d’euros pérennes ont été délégués en avril 2022 pour les CMP-IJ, représentant environ 133 ETP. Idem pour les CMP », est-il précisé, mais les recrutements sont toujours en cours.

Les réformes des autorisations et financement entrent aussi en application, tandis que les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) se mettent en place, 104 étant aujourd’hui attestés.

Quant à l’attractivité de la psychiatrie, plusieurs mesures visent à la renforcer, comme le déploiement de 12 postes de titulaires dans les corps de PU-PH et MCU-PH entre 2022 et 2024, et le passage du diplôme d’études spécialisées (DES) de psychiatrie à 5 ans. Le gouvernement mise aussi sur le soutien à la recherche, avec le financement (80 millions d’euros) du projet Propsy, qui met la médecine de précision au service de la compréhension des troubles bipolaires, dépressifs majeurs, autistiques et de la schizophrénie, et la publication prochaine d’une instruction pour soutenir financièrement les coopérations entre établissements universitaires et non universitaires.

Une prévention qui s’élargit

En matière de prévention, le gouvernement se félicite d’une tendance à la déstigmatisation de la pathologie mentale, à travers ses campagnes de sensibilisation, mais aussi grâce à la prise de parole de personnalités médiatiques (comme Stromae).

Le bilan rappelle la systématisation de l’entretien postnatal précoce (EPNP) depuis le 1er juillet 2022, pour repérer les dépressions qui touchent entre 10 et 20 % des femmes ayant accouché. Fin 2022, plus de 27 000 mères en ont bénéficié. Et 21 équipes mobiles et unités périnatales ont été sélectionnées au titre de l’appel à projets national « psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent » pour 2022.

Le secourisme en santé mentale progresse dans le milieu étudiant (30 universités et grandes écoles engagées, plus de 2 000 secouristes formés fin 2022), le public ou le secteur agricole. Au total, plus de 43 000 secouristes ont été formés fin 2022 (soit trois fois plus que fin 2021).

Est désormais à l’étude un ciblage renforcé de la prévention des tentatives de suicides chez les jeunes filles et la généralisation du développement des plateformes VigilanS de recontact des suicidants en direction des mineurs.

La pair-aidance consolidée

Enfin, le gouvernement promet de soutenir la pair-aidance, qui a le vent en poupe (car s’inscrit dans un mouvement d’empowerment), malgré l’hétérogénéité de ses modèles. Les groupes d’entraide mutuelle (GEM), 656 en 2021, ont vu leur nombre augmenter de près de 50 en 2022, dont la moitié est dédiée à l’autisme. Leur subvention a été revalorisée, et les animateurs ont bénéficié de la prime Ségur.

Les clubhouses, des collectifs d’entraide tournés vers l’insertion sociale et professionnelle, ont eu un nouveau cahier des charges en août dernier, et des financements doivent assurer l’existence de ces structures dans 10 régions en 2023.

L’enjeu est désormais de construire un cadre stabilisé de l’exercice de l’activité professionnelle de la pair-aidance (prérequis exigés nationalement, statut et cadre d’emploi, rémunération…) pour généraliser le recours à ces professionnels, prévoit le ministère.

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