Dans un webinar organisé le 19 octobre dernier, la Pr Carmen Schröder (pédopsychiatre, CHU de Strasbourg) et la Pr Stéphanie Bioulac (psychiatre, CHU de Grenoble) ont fait le point sur la prise en charge pharmacologique des troubles du sommeil chez les enfants avec TSA. Ce webinar vient en complément de 4 formations proposées par un comité d’experts du sommeil sur une plateforme du laboratoire Biocodex baptisée « Université du sommeil » (1). Ce webinar a été rendu interactif grâce à l’utilisation en parallèle de la plateforme wooclap qui a permis de sonder les connaissances des participants tout au long de la présentation.
Seuls 25 % des enfants avec TSA répondent aux méthodes comportementales
La fréquence des troubles du sommeil chez l’enfant avec TSA et leur retentissement sur le sujet et son entourage justifient une évaluation systématique de ceux-ci. Pour ce faire, un groupe d’experts européens a mis en place un questionnaire à destination des professionnels de santé en particulier des médecins généralistes et pédiatres qui sont souvent en première ligne (2). Ce questionnaire est composé de 7 items portant sur : la difficulté à se coucher, la difficulté à s’endormir, la présence d’anxiété associée au coucher, les réveils nocturnes, la difficulté d’endormissement après ces réveils nocturnes, la quantité totale de sommeil et la latence d’endormissement.Trois questions supplémentaires permettent de dépister d’autres troubles du sommeil associés comme : le syndrome des jambes sans repos, le syndrome des mouvements périodiques, le syndrome d’apnée du sommeil ou des parasomnies. Dans ces cas-là, il est important d’adresser l’enfant à un spécialiste du sommeil (réseau des centres disponible sur https://www.sfrms-sommeil.org/) mais cela n’empêche pas une prise en charge de première ligne par le médecin traitant de l’enfant.
Les approches thérapeutiques non pharmacologiques des troubles du sommeil doivent être envisagées en premier lieu. Elles consistent en l’adoption de bonnes habitudes veille/sommeil et l’instauration d’un rituel du coucher. Une brochure complète réalisée par un comité d’experts et adaptée aux enfants avec TSA peut être proposée aux parents. Elle est disponible gratuitement via ce lien : https://www.autismeetsommeil.fr/wp-content/uploads/2021/07/Conseils_sommeil_enfants_tsa.pdf
D’autres techniques comportementales plus spécifiques peuvent être envisagées en fonction de l’âge de l’enfant, comme le «bedtime fading» et l’extinction graduelle. Les preuves de l’efficacité de ces approches dans le traitement de l’insomnie des enfants à développement typique sont solides mais seuls 25 % des enfants et adolescents avec TSA y répondent favorablement (versus 94 % chez les enfants à développement typique). La Pr Carmen Schröder précise : « Une approche pharmacologique doit être envisagée si le sommeil de l’enfant n’est pas amélioré au bout d’un ou deux mois de réalisation de ces approches comportementales au risque d’épuiser inutilement la famille ».
La place de la mélatonine LP après échec des approches non pharmacologiques ?
- Critères cliniques : latence, maintien et durée du sommeil. Latence d’endormissement inférieure à 30 minutes, durée maximale de sommeil ininterrompu supérieure à 6h et durée de sommeil égale à la durée recommandée selon l’âge de l’enfant (5)
- Critères cliniques : répercussion sur la journée de l’enfant (comportements externalisants spécifiques à chaque enfant)
- Satisfaction des parents
La dose initiale recommandée de MLPPed est de 2 mg. Si une réponse inadéquate a été observée au bout de 2 à 4 semaines de traitement, la dose doit être augmentée à 5 mg, avec une dose maximale de 10 mg. L’efficacité et l’innocuité ont été évaluées dans une étude randomisée contrôlée versus placebo chez 125 enfants présentant des TSA et des troubles neuro-développementaux causés par le syndrome de Smith-Magenis qui n’avaient pas montré d’amélioration après une intervention comportementale standard sur le sommeil. Le traitement a été administré pendant une période de deux ans. Au total, 76 % des enfants ont été considérés comme répondeurs après ajustement de dose. (4)
Cas clinique : Louis, 7 ans, TDAH et TSA avec troubles du sommeil
Une discussion animée
La session de questions réponses qui a clôturé le webinar a été très animée. En bref, nous retiendrons quelques points abordés :
- La co-prescription de mélatonine LI et de mélatonine à LP n’est pas justifiée car les deux molécules agissent sur la latence d’endormissement. En plus, la libération prolongée améliore la durée totale du sommeil ainsi que sa continuité.
- En cas de suspicion d’un syndrome des jambes sans repos, un dosage de la ferritinémie est recommandé. Si ce taux est inférieur à 50 pg/ml, une supplémentation en fer pendant 3 mois est recommandée. Si les symptômes ne disparaissent pas, il est nécessaire d’adresser l’enfant à un centre du sommeil pour un traitement antiépileptique réservé aux experts du sommeil.
Webinar : Autisme et troubles du sommeil : intérêt de la mélatonine ? Mercredi 19 octobre 2022 (proposé par le laboratoire Biocodex)
Dr Dounia Hamdi