Autisme et autres TND : la neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons bientôt testée pour le dépistage des nouveau-nés (Coline Garré, Le Quotidien du Médecin)
Une sonde de la taille d’une pièce de monnaie reliée à une machine d’échographie ultra-performante facile à faire rouler dans les couloirs d’un hôpital : ainsi se présente Iconeus, un appareil qui pourrait apporter de nouvelles lumières sur le fonctionnement du cerveau des nouveau-nés. Cette innovation porte l’espoir de repérer extrêmement précocement des altérations prédictives d’éventuels troubles du neurodéveloppement (TND). La prévalence des TND s’élèverait entre 12 et 15 %. L’âge moyen au diagnostic était de 6,5 ans en 2015 ; il serait sous la barre des cinq ans aujourd’hui.
L’engin est l’exemple de transferts de technologies promus par le Groupe d’intérêt scientifique (GIS) Autisme et troubles du neurodéveloppement, qui fête ce 10 novembre ses trois ans. « La recherche académique et l’industrie sont encore deux mondes trop séparés en France », regrette sa directrice, la Pr Catherine Barthélémy. En 2016, animé par la volonté de voir le cerveau fonctionner de l’intérieur, Mickaël Tanter, directeur du laboratoire Physique pour la médecine Paris (Physmed – ESPCI Paris-PSL, Inserm, CNRS) décide, avec Ludovic Lecointre, de créer Iconeus, « une entreprise spin-off de notre laboratoire qui avait déjà déposé plusieurs brevets », selon les mots du chercheur.
Des ultrasons pour voir dans le cerveau
La start-up est la seule au monde à avoir développé une technique de neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons, qui permette d’enregistrer le flux sanguin du cerveau d’un nouveau-né de manière non invasive, en posant quelques minutes une sonde sur sa fontanelle. « Peu cher, mobile de chambre en chambre, la machine est beaucoup plus simple d’utilisation qu’une IRM fonctionnelle très peu adaptée à un nourrisson qui bouge ou ne supporte pas le bruit », commente Mickaël Tanter.
Grâce à l’enregistrement des flux sanguins et de leur dynamique dans le cerveau, les chercheurs ont un accès indirect à l’activité neuronale et peuvent mesurer le connectome cérébral, à savoir comment les différentes zones du cerveau sont connectées et travaillent ensemble. L’hypothèse est que des altérations dans les connectivités neuronales, observables dès les premiers jours ou mois d’un enfant (sans attendre un repérage comportemental), seraient les prémisses de TND. « Mais il nous faut déjà identifier quel est le connectome « normal » d’un nouveau-né, puis, établir des associations entre des écarts à la norme – retard de communication entre les zones, par exemple – et des TND », précise le chercheur. Et avant tout, prouver que cet échographe ultra-rapide (100 000 images par seconde, versus 50 pour des échographes classiques) répond aux attentes.
À l’hôpital Robert-Debré (Paris) dès 2023
Cette étude de preuve de concept devrait démarrer dès le premier trimestre 2023, au sein de l’hôpital Robert-Debré (AH-HP), avec l’inclusion d’enfants prématurés et d’autres nés à terme, qui seront comparés et suivis au moins trois ans, afin de voir si les altérations de la connectivité perçues à la naissance se sont traduites par des TND plus tard. L’activité cérébrale devrait être sondée dans plusieurs situations : au repos, lors d’une tétée, au cours d’un soin…
Combien d’enfants seront inclus ? « Cela dépendra de la différence que nous observerons entre les cerveaux des enfants prémas et de ceux nés à terme. Plus elle sera importante, plus l’échantillon pourra être petit », explique Pierre Gressens, directeur de recherche à l’Inserm et professeur de neurologie à l’hôpital Robert-Debré, par ailleurs directeur adjoint du GIS. En attendant, chaque bébé préma sera suivi dans la filière ad hoc de l’hôpital pédiatrique.
D’ici à 5 ou 6 ans, les scientifiques espèrent donc repérer très précocement les enfants à haut risque (prématurité, TND dans la fratrie…) en clinique, mais aussi mieux évaluer l’impact des thérapies dont bénéficient les enfants, et, en termes de recherche fondamentale, mieux comprendre d’autres pathologies et inventer ou tester des médicaments.
La machine utilisée aujourd’hui en recherche fondamentale coûte 300 000 euros. Iconeus en a vendu 35, à l’étranger. « En clinique, elle devra rester sous la barre des 200 000 euros », précise Ludovic Lecointre.