Journée autisme : une forte dynamique enclenchée avec la stratégie 2018/2022 mais à consolider (Dr Irène Drogou, Le Quotidien du Médecin)
C’est à l’occasion de la journée internationale de sensibilisation à l’autisme du 2 avril que le gouvernement publie un point d’étape sur la stratégie nationale 2018-2022, insistant sur le fait qu’elle « va continuer de se déployer tout au long de l’année 2022 ».
Car si de grandes avancées ont été faites, notamment pour la recherche, le repérage précoce chez les 0-6 ans et l’école inclusive, d’autres axes restent au milieu du gué. De fortes carences grèvent la prise en charge : l’accueil des adultes mais aussi, plus largement, la qualité des accompagnements de toutes les personnes ayant un trouble du neurodéveloppement (TND).
Le pari de la science au cœur des pratiques
Neuf ministères mobilisés, 490 millions d’euros alloués pour la mise en œuvre, rallonge du budget avec 146 millions supplémentaires, les moyens déployés ont permis d’enclencher une réelle dynamique. La recherche, premier axe de la stratégie afin « d’inscrire la science au cœur des pratiques », s’est structurée autour d’un groupement d’intérêt scientifique (GIS) qui coordonne, depuis sa création en 2019, près de 600 chercheurs de 120 équipes, mais aussi de cinq centres d’excellence à l’interface entre recherche (fondamentale et clinique), soins et formation universitaire.
Signe du dynamisme insufflé : le lancement de la cohorte épidémiologique Marianne, la première cohorte prénatale européenne, afin de préciser le rôle des facteurs environnementaux dans la survenue des troubles. « La France se classe désormais au quatrième rang mondial pour la qualité de ses publications de recherches sur les TND », souligne dans un communiqué le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées dirigé par Sophie Cluzel.
Le bond du repérage précoce
Le repérage précoce, deuxième chantier prioritaire de la stratégie, s’est massifié auprès des 0-6 ans, et le livret de repérage pour les 7-12 ans est fin prêt pour un déploiement à ces âges prévu en 2022. Près de 20 000 enfants ont été dépistés et adressés à l’une des 76 plateformes de coordination et d’orientation (PCO) déployées sur tout le territoire. « Il n’était que 150 en 2019 et 6 000 en 2020 », fait valoir le secrétariat. Les délais d’accès aux diagnostics dans les centres de ressources autisme se réduisent, les temps d’attente ayant diminué en moyenne de 135 jours.
Quant à la scolarisation des enfants autistes, l’action est en demi-teinte. Certes, plus de 42 000 élèves autistes étaient scolarisés en milieu ordinaire à la rentrée de septembre 2021 et 336 classes spécifiques ont été créées sur tout le territoire (unités d’enseignement en maternelle et en élémentaire). Et la stratégie a favorisé le développement de dispositifs innovants d’autorégulation dans 33 écoles.
Le suivi au long cours, le grand défi
Mais les moyens humains ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. « La formation des auxiliaires de vie scolaire (AVS) doit être renforcée, avait convenu dans une interview au « Quotidien » Claire Compagnon, la déléguée interministérielle à la stratégie. L’arrivée de plus en plus importante de ces enfants en école ordinaire nécessite des moyens ; un chantier partagé entre le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées et l’Éducation nationale ». Avant d’ajouter un effort spécifique concernant le repérage « en mettant davantage l’accent sur les enfants ayant un trouble avec déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) ».
Mais le gros point noir concerne les adultes, même si les possibilités d’accueil et d’accompagnement se sont multipliées. « La France compte 600 000 adultes autistes, dont un grand nombre n’a pas été (correctement) diagnostiqué et se retrouve dans des accompagnements trop généralistes, pas assez individualisés, avait rapporté Claire Compagnon. Certains sont hospitalisés au long cours dans des établissements de santé mentale : ce n’est pas admissible ».
Une situation qu’entend inverser le gouvernement. La première des 40 unités résidentielles (365 jours/an, 24 heures/24) pour adultes autistes aux profils très complexes vient d’ouvrir dans le Var. « Les solutions permettant une meilleure inclusion seront fortement soutenues en 2022 », assure le communiqué du secrétariat d’État. Un budget supplémentaire de 50,6 millions d’euros a été accordé.
Concernant la qualité du parcours encore défaillant, le gouvernement annonce la diffusion d’un annuaire de médecins référents TND pour 2022, afin « d’épauler les cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip) et les magistrats pour mettre fin à la confusion entre maltraitance et TND » mais aussi d’ajuster « la procédure personne vulnérable pour mobiliser plus rapidement les forces de l’ordre en cas de disparitions de personnes autistes ». Et 22 millions d’euros sont consacrés à la formation continue des professionnels de santé, trois organismes ont ainsi déjà été sélectionnés.
Constat sévère des associations
La Maison de l’autisme, souhaitée par le président Macron afin d’informer patients, familles, professionnels et grand public, ouvrira ses portes physiques (à Aubervilliers) et digitales à la fin 2022, en collaboration avec les associations. Mais leur constat n’est pas moins sévère. Pour M’hammed Sajidi, président de Vaincre l’autisme, qui appelle les familles à défiler entre l’Hôtel de ville et l’Assemblée nationale ce 2 avril, « il y a une volonté de bien faire, mais ces annonces sont une miette par rapport aux besoins ». « La vision de l’autisme est encore trop centrée sur la psychiatrie, sur une approche médicale et les professionnels sont peu ou mal formés aux bonnes méthodes de prise en charge », a-t-il ajouté.
« L’application sur le terrain a été totalement inefficace », a fustigé, quant à elle, Olivia Cattan, présidente de SOS autisme France, citant le manque d’auxiliaires de vie dans les écoles, de filières d’apprentissage ou encore « l’absence de solution pour les adultes ». De son côté, pour Austime info service, qui gère depuis trois ans une ligne téléphonique et un site web d’informations à destination des familles, l’accompagnement des enfants autistes est désormais « plutôt fluide » jusqu’à 12 ans, mais « le parcours au-delà s’avère beaucoup plus complexe », particulièrement pour les « jeunes autistes sévères » et pour les adultes, « grands oubliés en matière d’emploi et de logement adapté ». L’association appelle les candidats à la présidentielle à un nouveau plan autisme 2023-2027.
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