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Mélatonine : recommandations pour la prise en charge de l’insomnie et des troubles neurologiques (Dr Dounia Hamdi, Journal International de Médecine)

La mélatonine, une petite molécule découverte dans les années 1960, suscite depuis quelques années un vif intérêt en médecine. Dans ce contexte, la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil (SFRMS) a mandaté un groupe de 11 experts afin d’établir un consensus et des recommandations quant à l’utilisation de la mélatonine dans diverses pathologies. Après avoir rendu leurs conclusions concernant « l’utilisation de la mélatonine dans les troubles psychiatriques chez l’adulte» (1-2), ce groupe d’experts a récemment publié ses recommandations quant à l’utilisation de cette hormone dans la prise en charge de l’insomnie et certaines pathologies neurologiques (3).

 

La mélatonine est une neurohormone produite au niveau de l’épiphyse, essentiellement pendant la nuit avec un pic autour de 3-4 heures du matin. Sa fonction principale consiste à synchroniser les rythmes biologiques du sujet en réponse au cycle jour/nuit. La sécrétion de mélatonine diminue fréquemment chez le sujet âgé, d’autant plus s’il souffre d’insomnies et/ou d’une pathologie neurologique comme un déficit cognitif léger ou une maladie d’Alzheimer… Par ses propriétés antioxydantes et par l’amélioration de la qualité du sommeil, il a été suggéré que la mélatonine exogène pouvait même améliorer les fonctions cognitives dans les premières phases des maladies neurodégénératives.

Différencier la mélatonine LI pour ses propriétés « chronobiotiques » et mélatonine LP pour son effet « soporifique »

La mélatonine exogène est capable de traverser la barrière hématoencéphalique et a des effets similaires à l’hormone endogène. La mélatonine exogène se présente sous deux formes : une forme à libération immédiate (LI) et une forme à libération prolongée (LP).

 

La mélatonine LI est utilisée principalement pour ses propriétés « chronobiotiques » permettant d’induire une avance de phase du sommeil, surtout dans les troubles du rythme veille-sommeil.

 

La mélatonine LP, quant à elle, mime la sécrétion physiologique de l’hormone endogène et, à partir d’une dose de 2 mg, a un effet « soporifique » dose-dépendant (1). À partir de cette dose (2 mg), la mélatonine a un statut de médicament nécessitant une prescription médicale. En 2007, l’Agence Européenne des médicaments (EMA) a approuvé l’utilisation de Circadin®, seule mélatonine disponible en comprimé LP, dans l’insomnie primaire caractérisée par une mauvaise qualité du sommeil chez les patients de 55 ans ou plus. Depuis Avril 2020, la mélatonine LP est également commercialisée sous une forme pédiatrique, appelée Slenyto® (comprimés dosés à 1 mg ou 5 mg de mélatonine), pour « le traitement de l’insomnie chez les enfants et les adolescents de 2 à 18 ans, présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA) et/ou un syndrome de Smith-Magenis, lorsque les mesures d’hygiène du sommeil ont été insuffisantes » (4-5).

Dans la prise en charge de l’insomnie primaire, seule la mélatonine LP (2 mg) doit être prescrite

La majorité des essais contrôlés randomisés contre placebo portant sur l’insomnie primaire chronique ont évalué l’efficacité et la sécurité de la mélatonine LP sur le sommeil, chez des patients de 55 ans ou plus ou sur des cohortes de 18 à 80 ans. À l’exception d’une seule étude, la majorité des essais ont démontré des résultats homogènes à savoir que, chez les sujets âgés de 55 ans ou plus, la mélatonine LP :

 

  • Améliore la qualité du sommeil et la qualité de vie
  • Réduit le délai d’endormissement
  • Augmente, parfois même, la durée et l’efficacité du sommeil

Ces effets cliniques positifs sont plus marqués chez les sujets âgés (55-80 ans) en comparaison aux plus jeunes (18-55 ans). Ils apparaissent généralement à partir de 3 semaines de traitement, augmentent avec le temps et atteignent un plateau à 13 semaines.

 

Par ailleurs, la mélatonine LP n’induit pas d’amnésie, n’augmente pas le risque de chutes et améliorerait même les symptômes d’anxiété et de dépression. Son arrêt n’induit pas de syndrome de sevrage.

 

La prise de mélatonine LP n’induit pas d’effets indésirables (EIs) graves (même jusqu’à 26 semaines de traitement). Les EIs les plus fréquemment rapportés sont : migraines, asthénie, dorsalgie, arthralgie, … Ces EIs sont modérés, rapidement réversibles et rapportés avec la même fréquence que dans les groupes placebos.

 

Pour résumer, dans la prise en charge de l’insomnie primaire ou sans comorbidités, la mélatonine LI n’est pas recommandée. Dans la prise en charge de l’insomnie sans comorbidité, les experts recommandent la mélatonine LP, à la dose de 2 mg, à prendre 1 à 2 heures avant l’heure du coucher, pour une durée comprise entre 3 et 12 semaines (grade A). Prescrite correctement, elle réduit le délai d’endormissement, améliore la qualité du sommeil, la vigilance au réveil et la qualité de vie, sans effet indésirable grave et sans syndrome de sevrage. L’insomnie demeure donc la meilleure indication de la mélatonine LP.

 

À savoir
·       La mélatonine agit différemment des autres molécules hypnotiques. Elle amplifie les différences biologiques jour-nuit (au niveau de la vigilance et de la qualité du sommeil) et réduit la température interne (via un effet vasodilatateur périphérique). Ceci induit un effet favorable significatif sur le sommeil, qui est néanmoins plus modeste que d’autres molécules hypnotiques, telles que les benzodiazépines.

·       La mélatonine est hydroxylée dans le foie par la cytochrome P1A2 (CYP1A2) qui est impliquée dans le métabolisme de nombreux médicaments (carbamazépine, rifampicine, fluvoxamine, warfarine, …) et dont le phénotype varie d’un individu à un autre (environ 1 % des individus sont des métaboliseurs lents). Ces deux points doivent donc être pris en compte lors de la prescription de la mélatonine a fortiori chez des patients âgés polymédiqués.

 

Dans les troubles cognitifs légers et la maladie d’Alzheimer, la mélatonine doit être prescrite le plus tôt possible et pour une longue durée

Des essais cliniques ont démontré que, chez des patients atteints de déficit cognitif léger ou de maladie d’Alzheimer, la mélatonine avait des effets bénéfiques sur les troubles du sommeil en améliorant la qualité du sommeil et en régulant le rythme veille-sommeil (grade A). Dans ce contexte, la mélatonine doit être prescrite le plus tôt possible et pour une longue durée (> 4 semaines), à des doses quotidiennes comprises entre 2 et 10 mg (2-10 mg/jour dans la maladie d’Alzheimer et 2-5 mg/jour dans les troubles cognitifs légers). Le choix entre mélatonine LI et LP dépendra du type de désordre du sommeil : insomnie (LP) ou troubles du rythme veille-sommeil (LI).

 

L’effet bénéfique de la mélatonine sur la fonction cognitive serait plus marqué en cas de déficit cognitif léger, en comparaison à des formes modérées à sévères de la maladie d’Alzheimer, où elle n’améliore pas cette fonction. Dans ces pathologies, la luminothérapie utilisée 12 heures avant administration de la mélatonine a un effet synergique.

Dans les troubles du sommeil paradoxal, la mélatonine LI doit être prescrite en 1ère intention

Les TSPs (trouble du sommeil paradoxal), plus fréquents chez les hommes de plus de 50 ans, sont des parasomnies souvent associées à des cauchemars ou des comportements de « mise en scène » de leurs rêves et peuvent être un signe précurseur de troubles neurodégénératifs.

 

Les experts recommandent de prescrire, en première intention, la mélatonine LI à la dose de 3 mg ou plus, à prendre peu avant l’heure du coucher (grade B). La mélatonine LI a un meilleur profil de tolérance que le clonazépam et une bonne efficacité sur les symptômes des TSPs.

 

A noter que des études randomisées contrôlées sont encore nécessaires pour établir des recommandations dans les indications suivantes : troubles du sommeil liés à la maladie de Parkinson ; prévention des céphalées primaires, migraines et algie vasculaire de la face ; troubles du rythme veille-sommeil liés à l’épilepsie.

Dr Dounia Hamdi

RÉFÉRENCES

(1) « Les experts se prononcent sur l’utilité de la mélatonine en psychiatrie chez l’adulte » JIM.fr le 18/10/2019
(2) Geoffroy PA. et coll.: The use of melatonin in adult psychiatric disorders: Expert recommendations by the French institute of medical research on sleep (SFRMS). Encéphale 2019.
(3) Vecchierini MF. et coll. : Melatonin (MEL) and its use in neurological diseases and insomnia: Recommendations of the French Medical and Research Sleep Society (SFRMS). Revue neurologique (2020), https://doi.org/10.1016/j.neurol.2020.06.009
(4) Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). https://www.ansm.sante.fr/ [consulté le 02/10/2020]
(5) https://ec.europa.eu/health/documents/community-register/2020/20200224147297/anx_147297_fr.pdf

 

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