Psychiatrie et psychanalyse : Darwinisme et créationnisme sont-ils compatibles ? (Sophie Robert, Journal International de Médecine)
Paris, le samedi 11 janvier 2020 –
Aujourd’hui encore la psychanalyse occupe une place particulière au sein de la psychiatrie française. Pour certains, l’approche psychanalytique a contribué à la persistance de représentations dogmatiques et caricaturales de certaines pathologies. La prise en charge de l’autisme a ainsi longtemps été marquée par des présupposés qui faisaient du lien « mère-enfant » la principale cause de la pathologie et de son évolution, culpabilisant les mères et limitant pour les enfants l’espoir d’une amélioration. Les effets délétères de ces discours sont largement dénoncés et d’autres méthodes concurrencent aujourd’hui ces prises en charge au mieux inefficaces au pire dangereuses. Cependant, la psychanalyse est encore aujourd’hui très présente au sein de la psychiatrie française, en particulier en pédopsychiatrique. C’est ce que déplorent sans nuance dans nos colonnes Sophie Robert et un collectif de professionnels de santé. Réalisatrice ayant dans « Le Mur » mis en évidence les dérives de la psychanalyse dans la prise en charge de l’autisme, Sophie Robert a été récemment à l’origine d’une tribune soutenue par plus d’une soixantaine de psychiatres et de psychologues demandant que les experts se réclamant de la psychanalyse ne puissent plus intervenir dans les affaires judiciaires.
Pour le JIM, les mêmes auteurs dénoncent la perpétuation des « liaisons dangereuses » entre psychiatrie et psychanalyse.
Le JIM publie cette tribune qui offre un point de vue clair et argumenté. Cependant, par souci du contradictoire il ouvrira volontiers ses colonnes à des avis divergents et n’ignore pas que dans une certaine mesure, mais restreinte, la psychanalyse, bienveillante, a été longtemps la seule discipline à accepter de s’intéresser aux enfants autistes autrement qu’en proposant des traitements médicamenteux.
Par Sophie Robert* et le collectif Justice sans psychanalyse
Dans cette vidéo (1) destinée à illustrer le « mandat transgénérationnel », un couple consulte pour le retard de langage de leur petit garçon de 5 ans, probablement atteint d’un trouble du spectre autistique (TSA). Commentant cette séance édifiante, les Pr Bernard Golse (ancien chef du service pédo-psychiatrie de l’hôpital Necker) et Serge Lebovici nous apprennent qu’un secret de famille serait à l’origine du problème. Pendant 40 minutes les parents sont infantilisés et questionnés de façon inquisitrice, leurs propos interprétés systématiquement à charge, pour qu’enfin ils lâchent la « révélation » : le père ne connait pas l’identité de son père, c’est ce qui expliquerait les retards de développement de son troisième enfant. Cette séance est une leçon de cruauté.
Dans un document édifiant intitulé « Le loup anal et les 3 petits cochons » (2) le Pr Pierre Lafforgue responsable de l’Hôpital de jour la Pomme Bleue à Bordeaux, développe ce qu’il présente comme un modèle de conte thérapeutique pour traiter les enfants autistes. Il s’appuie sur des références ethnographiques populaires pour faire une analogie entre le cochon, la sexualité et l’enfant « psychotique ». Les éducateurs sont invités à manipuler les enfants, et les laisser jouer avec leurs selles, les enfants à péter, prononcer des mots grossiers, cette scatologie débridée étant supposée remplir une fonction thérapeutique.
Cette autre vidéo (3) est extraite d’une conférence sur l’autisme donnée par le Dr Jean-Robert Rabanel, responsable thérapeutique de l’Institut médico-éducatif de Nonette. Il y affirme que « le sens de la maladie c’est d’éviter l’autre » raison pour laquelle avec les autistes « moins on en fait mieux ils se portent ». Il conseille aux éducateurs de laisser les enfants autistes toute la journée dans les recoins des bâtiments, puis il fait rire l’assistance en imitant les difficultés d’élocution de certains résidents.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais
Ces pédopsychiatres ont en commun d’être influents et de se référer à la psychanalyse. Leurs propos sont une honte pour la psychiatrie.
Depuis plusieurs décennies, la majorité des psychiatres-psychanalystes caricaturent les imperfections de la psychiatrie médicale pour rejeter toute nosographie et tout traitement non psychanalytique des pathologies. Ils contestent ostensiblement l’usage de psychotropes mais n’hésitent pas à les faire prescrire par leurs confrères, quitte à pré rédiger les ordonnances. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.
La psychiatrie est violemment critiquée, au bénéfice de la psychanalyse considérée comme seule réponse « humaniste » au monstre qu’ils ont eux-mêmes créé : une psychiatrie réduite au triptyque pyjama bleu, pièce de contention et camisole chimique.
Ceci pendant que les psychiatres engagés dans des traitements psychothérapeutiques cognitifs et comportementaux, la pair-aidance et le soutien des familles, sont vilipendés au motif qu’ils feraient du « dressage de singes ».
Devant les tribunaux, les mêmes produisent des expertises au jargon psychanalytique incompréhensible et ridicule. La seule option thérapeutique serait de restaurer l’autorité paternelle mise à mal par les mères « crocodiles ». A bas le DSM, vive la forclusion-du-nom-du-père. Nombreux sont les experts psy persistant à incriminer la mère du handicap de son enfant, parfois sans même daigner la rencontrer.
Tel autre conclut systématiquement au mensonge des mères protectrices et à l’affabulation des enfants victimes de violences sexuelles, enfants qu’il refuse pourtant d’expertiser au motif qu’il n’est pas pédo-psychiatre… Car au pays des aveugles les borgnes sont rois : certains psys s’enorgueillissent d’être respectables parce qu’ils s’expriment en français alors que sur le fond ils ne font que recycler les mêmes vieilles lunes psychanalytiques : accuser les mères de tous les maux et culpabiliser les victimes de violences sexuelles pour dédouaner les criminels.
Faut-il rappeler qu’avoir une mère aimante et protectrice n’est pas une cause de pathologie mentale ? En revanche avoir un père violent/meurtrier/drogué/alcoolique/emprisonné pour pédo criminalité, sont des facteurs de souffrance et de pathologie ?
Syndrome d’aliénation parentale et de Munchäusen par procuration : épidémies françaises
La littérature médicale atteste de près de deux cent cas de Syndrome de Münchausen Par Procuration dans le monde. Curieusement en France, il en naîtrait plusieurs par jour sous la plume des experts psychanalystes. L’adjonction de médicaments étant ici remplacée par l’inconscient maternel.
De même, aucun autre pays au monde que la France ne fait un usage aussi pléthorique du Syndrome d’Aliénation Parentale, régulièrement utilisé pour décrédibiliser la parole des victimes de violences sexuelles. Ce syndrome non reconnu par la communauté psychiatrique internationale a été rejeté de longue date par les facultés de médecine et les ministères de la santé du Royaume-Uni, du Canada, des USA. L’inventeur du SAP, Richard Gardner, était ouvertement pro pédophile. Si le SAP et le SMPP prolifèrent en France c’est parce que leur rhétorique est identique à celle des psychanalystes : accuser les enfants de projeter des fantasmes œdipiens sur les auteurs de violences, accuser les mères protectrices de tous les maux, au nom d’une idéologie patriarcale indigne de la médecine.
Freud était médecin mais il est attesté de longue date par les historiens que ses présentations de cas ont été totalement frauduleuses.
Freud n’a pas découvert l’inconscient ni inventé la psychothérapie. Il se les est appropriés pour en faire quelque chose de spécifique, situé en dehors du champ de la médecine, raison pour laquelle il défendait l’analyse profane, pratiquée par des non médecins, au motif que la psychanalyse aurait découvert des lois supérieures aux lois de la médecine.
Lacan était psychiatre, mais s’il a prétendu investir le champ des psychoses, il n’a jamais présenté le moindre « cas » à l’appui de ses théories. En revanche, il a très lucidement déployé sa doctrine dans les facultés de lettres, de philosophie et de théologie.
La psychiatrie française est aujourd’hui malade, mais ce n’est pas uniquement d’un manque de moyens. Elle est malade de ce que la psychiatrie n’est pas plus compatible avec la psychanalyse que le darwinisme ne l’est avec le créationnisme.
*Auteure de la tribune www.justicesanspsychanalyse.com
Le JIM vous invite à visualiser ces deux vidéos et à lire ce texte pour vous faire votre opinion sur ces approches:
1. https://youtu.be/98wC1166csQ
2. http://www.revue-institutions.com/articles/14/Document2.pdf
3. https://www.youtube.com/watch?v=uZrLtWTX7Dc&feature=youtu.be