La suramine, une approche antipurinergique inédite dans l’autisme (Dr Irène Drogou, Le Quotidien du Médecin)
La suramine, une molécule développée il y a 100 ans dans la maladie du sommeil, pourrait être utile dans les troubles du spectre autistique (TSA), selon une petite étude américaine randomisée, publiée dans « Annals of Clinical and Translational Neurology », et réalisée chez 10 garçons âgés de 5 à 14 ans.
L’étude SAT1 dirigée par le Dr Robert Naviaux de l’université de Californie montre que les symptômes de base du TSA (langage, interactions sociales, comportements stéréotypés) sont améliorés 6 semaines après une injection unique de suramine à faible dose par rapport au groupe placebo. Le score diagnostique ADOS-2 était significativement amélioré de 1,6 point.
Une évaluation subjective recueillie auprès des parents a révélé que les enfants traités faisaient des progrès sur le langage et le comportement, avec deux des cinq enfants ayant dit les premières phrases de leur vie 1 à 2 semaines après l’injection. Ce qui n’était pas le cas dans le groupe des enfants non traités. Par ailleurs, les parents rapportaient une amélioration des symptômes les 3 premières semaines, puis une détérioration sur les 3 semaines suivantes avec retour à l’état de base. Aucun effet secondaire grave n’a été observé.
Un relargage extracellulaire d’ATP
L’équipe du Dr Naviaux défend une approche métabolique reposant sur l’idée qu’il existe une réponse cellulaire au danger (cell danger response, CDR) anormale au cours de la maladie. La mitochondrie et son stress oxydatif seraient à l’origine d’un relargage anormal de purines et de pyrimidines, telles que l’ATP. Or si l’ATP est une source d’énergie à l’intérieur de la cellule, écrivent les auteurs, l’ATP extracellulaire est un puissant immunomodulateur.
Les chercheurs ont fait le choix de la suramine comme antipurinergique : il s’agit de l’une de ses propriétés les mieux connues. Même si la molécule est inscrite sur la liste de l’OMS des médicaments essentiels, la suramine pose des problèmes de tolérance à hautes doses. Après des résultats concluants dans deux modèles murins pour un traitement à faible dose sur une durée prolongée (4 mois), l’équipe présente des données préliminaires de toxicité rassurantes dans cette indication chez l’homme.
Ce petit essai lance l’approche antipurinergique. Pour la fondation « N of One : Autism research Foundation », l’un des financeurs de cette étude, tous philanthropiques, les percées les plus prometteuses dans l’autisme sont à attendre au-delà de la génétique sur laquelle beaucoup d’efforts de recherche se sont focalisés jusque-là. « La généralisation de ces résultats n’est pas connue », concluent les auteurs avec prudence en appelant à des essais plus larges testant la suramine à faibles doses sur plusieurs mois.