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Dépakine : le gouvernement confirme la création d’un fonds d’indemnisation (Aurélie Laroche, Journal International de Médecine)

Paris, le jeudi 25 août 2016 – Suspectés d’avoir été cachés aux familles, des chiffres précis concernant le nombre de femmes traitées par Dépakine pendant leur grossesse entre 2007 et 2014 ont finalement été rendus publics. Ils précisent, comme nous l’avons indiqué hier que 8 701 enfants exposés in utero au valproate de sodium sont nés entre 2007 et 2014. La présentation de ces données a conduit le ministre de la Santé à rappeler les principaux points d’un plan d’action déjà présenté au printemps. Notamment, la création d’un fonds d’indemnisation des victimes a été confirmée. Avant la fin de l’année devrait être entérinée par le parlement la mise en place « d’un dispositif d’indemnisation pour les victimes ».

Qui doit payer et à qui ?

Cette annonce est cependant loin de constituer une réponse simple. Il sera notamment nécessaire d’établir une liste précise des pathologies pouvant être considérées comme liées à l’exposition au valproate de sodium. Parallèlement, dossier par dossier, certaines situations pourraient être sujettes à discussion : si le cas des malformations, bien documentés, pourraient ouvrir droit facilement à des indemnisations, les expertises seront plus complexes face à certains troubles du comportement. Demeure également la question de la participation des laboratoires Sanofi à ce fond qui n’est pas encore totalement réglée et qui constitue une attente importante des familles, bien que dans cette affaire les responsabilités entre les industriels et les autorités sanitaires semblent partagées comme l’avait noté au début de l’année un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Renforcer l’information de tous les médecins et de toutes les femmes

Outre cette procédure d’indemnisation dont les contours  doivent encore être définis, le ministre a annoncé l’élaboration d’un « protocole national de dépistage et de signalement ». La question de l’information est également au centre des préoccupations du gouvernement, tant il est apparu qu’elle était centrale dans cette affaire. Ainsi, un pictogramme avertissant des risques tératogènes sera apposé dans les six mois qui viennent sur les boîtes de médicaments contenant de l’acide valproïque. Un système d’alerte devrait parallèlement être intégré dans les logiciels de prescription. Alors qu’il est apparu qu’en dépit de la publication d’études toujours plus nombreuses sur les effets délétères du valproate de sodium chez la femme enceinte et les avertissements (cependant tardifs) de la part des autorités sanitaires et du laboratoire sur les dangers encourus, les prescriptions lors de la grossesse n’ont pas connu de point d’arrêt à partir de 2010 (mais seulement une diminution constante), les pouvoirs publics veulent tout mettre en œuvre pour que l’information soit désormais le plus largement connue. De nombreuses opérations de communication vers les professionnels et les patientes sont ainsi notamment prévues. En outre, depuis le début de l’année déjà, la délivrance de Dépakine à une femme en âge de procréer est soumise à la production d’un formulaire de consentement. Enfin, le ministère de la santé souhaite se concentrer sur l’évaluation des autres traitements contre l’épilepsie, aujourd’hui plus largement prescrits aux femmes enceintes afin d’éviter le valproate de sodium. Une réévaluation des risques éventuels de 21 molécules doit ainsi être réalisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Une justice à la lenteur intolérable

Si ces différentes mesures sont destinées à apaiser la colère des familles, dont beaucoup dénoncent déjà un « scandale d’Etat », des suites judiciaires sont inévitables. La lenteur de la procédure est cependant déplorée par les parents des enfants exposés à la Dépakine. « Sur chacun de ces dossiers, nous avons un gros travail à faire pour établir les responsabilités et voir s’il est possible d’engager une action en justice. Pour l’instant, nous avons d’abord engagé des procédures civiles. En 2012, nous avons saisi les tribunaux pour deux familles. Et il a fallu quatre ans pour que la justice nomme des experts pour examiner les dossiers. Aujourd’hui, ces deux dossiers sont bouclés et devraient pouvoir déboucher sur une décision de justice dans les prochains mois. Mais il aura fallu plus de quatre ans pour avancer ! Pour le reste, 15 autres dossiers sont été déposés au civil et nous attendons que des experts soient nommés » détaille ainsi Charles Joseph-Oudin dans la Croix qui indique que la procédure pénale connaît la même lenteur. C’est principalement contre le laboratoire que les familles entendent se tourner, mais des praticiens pourraient également être inquiétés, notamment ceux pour lesquels les prescriptions ont été réalisées après l’introduction des avertissements dans les notices et les RCP. Les tribunaux devront s’interroger sur les raisons pour lesquelles en dépit de la connaissance publique du risque, certains ont choisi de poursuivre le traitement : le défaut de transmission de l’information aux médecins (qui n’ont reçu une lettre de l’ANSM sur ce thème qu’en 2015) sera alors sans doute rappelé, de même qu’une certaine minimisation du risque par certains acteurs. Enfin, l’agence sanitaire et sa « lourdeur administrative » pourraient ne pas échapper à de nouvelles critiques.

Aurélie Haroche 

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