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Une pétition pour dire « non à la contention » en psychiatrie recueille près de 5 000 signatures (Journal International de Médecine, Aurélie Haroche)

Paris, le mercredi 23 septembre 2015 – Le 9 septembre dernier, le collectif des 39, l’association Humapsy et le collectif  Le fil conducteur  organisaient au Sénat un colloque destiné à alerter sur la dégradation des soins en psychiatrie. Plusieurs thèmes ont été abordés au cours de cette réunion qui avait fait salle comble. L’accent a d’abord été mis sur la prise en charge des plus jeunes avec l’évocation de deux tendances contradictoires. D’une part, certains ont signalé comment des difficultés pédagogiques incitaient de plus en plus les maisons départementales de handicap à poser le « diagnostic » de « handicap » concernant  des enfants engagés alors dans un lourd processus médical, sans toujours une impérieuse justification. Parallèlement, les patients nécessitant des soins voient les portes des services se fermer, en raison de la désorganisation des secteurs. La menace sur ce système était également au cœur des discussions sur la présence des « espaces citoyens » au sein des établissements sanitaires, également fréquemment appelés les « clubs thérapeutiques ». L’importance du travail engagé par ces dispositifs, leur rôle dans l’élaboration d’une relation médecin/malade plus égalitaire et ouverte ont été rappelés, tandis que les difficultés que rencontrent ces associations ont été déplorées.

Le poids de la logique sécuritaire

Enfin, le moment fort de cette rencontre aura concerné la dénonciation de la progression de la contention. « Nous souhaitons avant tout dénoncer l’augmentation et la banalisation des pratiques d’enfermement, de contrôle et d’entraves des corps en psychiatrie » a déclaré en préambule le docteur Alexandra de Seguin (dont les propos sont rapportés par le docteur Philippe Bichon sur Mediapart). Pour expliquer cette tendance, les intervenants ont évoqué le poids de la logique sécuritaire. « La politique sécuritaire a ceci de particulier qu’elle procède d’une surenchère permanente. Une disposition sécuritaire en appelle facilement une autre plus sévère, dans un processus sans fin d’une soi disant maîtrise du risque. Les professionnels négligent trop souvent que préserver la liberté des patients améliore le lien et la confiance avec l’équipe de soins, et augmente alors la sécurité » a fait valoir le docteur Thierry Najman.

Cocktail explosif

Autre contexte expliquant cette progression du recours à la contention et à l’isolement, l’introduction d’une logique managériale à l’hôpital qui a contribué à une industrialisation des processus, à une rationalisation à l’extrême du temps, à la sacralisation du risque zéro. Cette orientation a favorisé l’éloignement d’une partie des soignants de la réalité du soin, dynamique associée à une volonté accrue de biologiser la psychiatrie, qui chez certains a pris le pas sur le rôle de l’écoute et de l’accompagnement. Ces logiques managériales et budgétaires, ces nouvelles écoles et les injonctions sécuritaires de plus en plus prégnantes ont créé les conditions d’un profond désenchantement des soignants en psychiatrie. Tel semble être le terreau du recours croissant à la contention, une évolution dont aujourd’hui un grand nombre de psychiatres refusent la fatalité.

Des traumatismes certains pour les patients

Aussi, dans le sillon de ce colloque, une pétition a été initiée il y a une semaine, intitulée « La sangle qui attache tue le lien humain qui soigne » qui proclame le refus de la contention. Ce texte affirme que ces « pratiques (…) d’un autre âge se déroulent quotidiennement dans ce pays ». Selon les signataires de cette pétition, cette tendance trouve son origine dans « l’emprise gestionnaire et bureaucratique » de l’hôpital qui « déshumanise les soignants » et dont les actes de contention sont « la traduction naturelle ». Or, ces derniers ont de lourdes conséquences : « Les patients qui les ont subies en témoignent régulièrement, elles produisent un traumatisme à jamais ancré dans leur chair et dans leur cœur » écrivent les psychiatres à l’origine de cette initiative. Aussi ces derniers appellent à mettre en place d’autres solutions et à « remettre au travail une pensée affadie, devenue glacée ». Les auteurs de la pétition aujourd’hui signée par près de 5 000 personnes souhaitent plus concrètement proscrire la contention, refonder la formation et inspirer au gouvernement une grande loi cadre sur la psychiatrie.

Aurélie Haroche  

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