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Josef Schovanec : Saltimbanque de l’autisme (Florence Chatel, sur le site de l’OCH, Ombres et Lumières, 2014)

« Excentriques ». C’est ainsi que Josef Schovanec définit ses amis autistes comme lui. Savant, auteur, conférencier, grand voyageur, cet homme passionnant et passionné, à l’humour irrésistible, a appris les codes sociaux des non autistes. Il vous invite à faire un pas vers lui. Laissez-vous faire, sans préjugés !

Avant la rencontre avec Josef Schovanec : la joie de faire enfin sa connaissance, et un peu d’inquiétude sur la manière de communiquer. Josef Schovanec, militant et porte parole de la cause des personnes autistes depuis une dizaine d’années, lui-même autiste Asperger, connaît aussi cela : plus que de donner une conférence, il appréhende le dîner qui la précède avec les organisateurs. A travers des émissions de télé, de radio, il a fait connaître son timbre de voix, haché, avec de légères intonations suisses, écho du pays où il a passé son enfance. Le voici donc dans les bureaux d’Ombres et Lumière, où il a choisi de se rendre pour nous rencontrer. Décalé, est cet homme de 32 ans qui nous invite à un déplacement.

« Je suis un saltimbanque de l’autisme », lance ce grand échalas aux parents d’origine tchèque, au col de chemise soigneusement fermé sous un pull col rond de couleur foncée. Sobre dans l’apparence, prolixe dans les réponses qui peuvent prendre un long détour avant d’en arriver au but. Josef Schovanec le sait et prévient régulièrement son interlocuteur par un « mais je ne réponds pas à votre question ! » L’humour caractérise ce diplômé de Sciences Po, polyglotte – il connaît une dizaine de langues –, docteur en philosophie et en sciences sociales, qui se définit aujourd’hui comme un voyageur, alors qu’il y a des années, prendre le métro sur trois stations était, pour lui, l’expédition de la semaine. Son activité de conférencier lui a appris à prendre le train. « Comme j’ai été un peu marginalisé du fait de l’autisme, j’ai été poussé à aller voir ailleurs et j’ai pris goût au voyage, découverte de l’autre. Et puis, en France, je suis bizarre ou autiste. A l’étranger, je suis un occidental … » Une manière de dire que c’est surtout le regard de l’autre qui le fait souffrir.

Passionné des religions, collectionneur de petites bouteilles en plastique 

Sa passion « officielle » pour l’histoire des religions et les civilisations anciennes l’a ainsi mené en Inde, en Ethiopie, dans les zones tribales du Balouchestan en Iran, ou encore dans le Caucase. Josef Schovanec y voyage toujours seul, parfois enseigne quelques mois dans une université comme l’an dernier à Bucarest. « Mais j’ai dû arrêter, souligne-t-il, car faire l’aller retour France-Roumanie dans la journée était un peu compliqué … » Croit-il en Dieu ? « J’ai tendance à suivre les amis du moment, suivre au sens géographique ou physique, explique-t-il : à la synagogue avec des amis juifs, à la mosquée avec des amis musulmans … J’ai un vrai intérêt pour les croyances des gens. Les croyances sont les idées les plus universelles qui voyagent de pays en pays, de culture en culture. Le phénomène religieux unit beaucoup plus qu’il ne sépare. »

De ses voyages, Josef Schovanec rapporte aussi des trophées pour compléter sa collection de bouteilles d’eau en plastique d’un demi-litre, une autre passion, « officieuse » celle-ci. « L’un des bons moments de la semaine, commente-t-il,c’est quand je réussis à en trouver une exotique. Je n’ai pas encore le musée de la bouteille en plastique. D’ailleurs, je ne suis pas un collectionneur suffisamment mordu si j’ose dire. Mais j’ai quand même un certain nombre de bouteilles : guadeloupéennes, togolaises, éthiopiennes, iraniennes, chinoises, taïwanaises, et ma petite fierté une bouteille de Sainte-Lucie aux Antilles. J’avoue, c’est un peu bizarre, mais c’est vraiment plaisant, et l’être humain est fait comme ça. »

Apprendre le TEDistan

Jusqu’ici rédacteur à la mairie de Paris, Josef Schovanec réfléchit maintenant à la suite de son avenir professionnel. Une possibilité serait de repartir à l’étranger. Parfois, le savant rêve du Yémen, « pas cher mais très dangereux ! »Mais alors, il lui faudrait quitter son activité de militant, ce qui l’ennuie.« Quand on voit le retard de la France, est-ce que l’on peut dormir sur ses deux oreilles si l’on ne fait rien pour l’autisme ? »  Son but : alerter les pouvoirs publics sur la situation précaire de ces personnes, en particulier les adultes. Josef en rencontre souvent parmi les gens de la rue. « Cela ne veut pas dire que l’autisme vous prédestine à la clochardisation, mais je ne connais que deux personnes qui gagnent vraiment bien leur vie … » Lui-même reconnaît avoir raté tous ses entretiens d’embauche : « Je suis un cumulard comme les hommes politiques. » Pourtant, il a poussé très loin son apprentissage des jeux sociaux. Alors, ne serait-ce pas à nous, les non autistes, d’apprendre un peu de son langage ? « Ah, je vous remercie pour cette question, se réjouit-il. Vous pourriez apprendre le TEDistan – la langue des troubles envahissants du développement (TED). » L’expression fait sourire, mais elle est très sérieuse. Ce serait pour nous un autre voyage.

Florence Chatel

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