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Accueil des handicapés français en Belgique : des inspections conjointes devraient bientôt avoir lieu (Article d’Aurélie Laroche paru dans le Journal International de Médecine du 4/11/2014)

Paris, le mardi 4 novembre 2014 – Nous le signalons fréquemment dans nos colonnes : l’absence de structures adaptées pousse chaque année des centaines de familles touchées par le handicap (en particulier mental) à trouver refuge en Belgique. Ces « expatriations » sont souvent très difficiles car elles impliquent le plus souvent un éloignement important entre la personne handicapée, enfant ou adulte, et ses proches. Mais elles sont rendues inévitables par la situation qui existe en France.

Accueillir des Français : une activité plus lucrative que de prendre en charge des Belges En Belgique, l’arrivée massive de ces handicapés a entraîné l’ouverture d’établissements toujours plus nombreux. Les autorisations administratives nécessaires pour la constitution de telles structures sont en effet bien plus légères en Belgique, ce qui permet leur mise en place rapide. Par ailleurs, les prix de journée français (payés par la Sécurité sociale ou les conseillers généraux) étant supérieurs aux prix pratiqués en Wallonie, beaucoup ont vu dans l’accueil de patients Français une activité plus lucrative et en ont bientôt fait une spécialité. Sans surprise, des « dérives » n’ont pas tardé à être observées. Certains médias, dont Libération, ont ainsi pu « reportage à l’appui » montrer combien, dans certains centres comptant quasiment exclusivement des handicapés français, les conditions d’accueil laissent fortement à désirer.

Aucune « action concrète » en trois ans et des relations diplomatiques pas toujours diplomatiques … Bien que souvent accusés d’indifférence par les associations de patients et ne manifestant de fait que très rarement leur préoccupation sur le sujet, les pouvoirs publics se sont montrés assez tôt conscientes des risques liés à la multiplication des structures accueillant des handicapés français en Belgique.
décembre 2011 était signé un accord cadre entre la Wallonie et la France concernant l’accueil, l’accompagnement et l’hébergement des personnes handicapées françaises en Wallonie. L’un des objectifs de cet accord était d’organiser des inspections communes. Cependant, pendant trois ans, aucune action concrète, de l’aveu même du secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, n’a pu voir le jour sous l’égide de cet accord. « Cela prend du temps… Le temps de la diplomatie et des accords bilatéraux n’est pas le même que le temps médiatique », explique, cité par Libération, Philip Cordery, député des Français du Benelux, tandis que dans un communiqué diffusé hier, le secrétariat d’Etat évoque la multiplication de « contacts afin d’appréhender au mieux les réalités des uns et des autres et ainsi poser les jalons d’une collaboration respectueuse des spécificités de chacun ». Il faut dire que les déclarations de certains n’ont pas toujours été favorables. On se souvient ainsi comment au début de l’année, le ministre délégué aux
personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti avait mis le feu aux poudres en s’indignant de la prolifération « des boîtes à Français » et en regrettant leur absence de contrôles. Une indignation qui n’avait guère été appréciée en Belgique où l’on eut tôt fait de remarquer que « la situation actuelle est
aussi et surtout la conséquence d’un manque de structures d’accueil de l’autre côté de la frontière et du laxisme observé en ce domaine depuis des années dans l’Hexagone » comme l’écrivait un éditorialiste dans le quotidien belge l’Avenir. Il est plus que probable que de tels échanges n’aient guère facilité les rapports diplomatiques nécessaires à l’application de l’accord cadre. … et peut-être rien de plus dans les trois ans à venir malgré des liens resserrés et des Belges bons joueurs Les relations se sont désormais améliorées et hier Ségolène Neuville, nouvelle secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, rencontrait son homologue belge le ministre Maxime Prévot à l’occasion de la première commission mixte Wallonie France présentée comme « la première action concrète découlant de la mise en oeuvre de l’accord cadre signé en décembre 2011 ». Les « priorités » de cette convention ont pu être détaillées. Elle devra tout d’abord s’assurer de « l’uniformisation des conventions d’établissements », avec pour objectif une harmonisation dans 18 mois. Il s’agit notamment d’éviter « des différences de traitement « financier » d’un département à l’autre », situation qui pouvait favoriser certaines tentations « lucratives ». Côté belge, est également prévue l’édition « d’un nouveau texte réglementaire » afin que les normes qualitatives s’imposant soient partout les mêmes. « La plupart des services offrent déjà une prise en charge de qualité mais la reconnaissance de cette obligation dans un texte légal permettra d’éviter toute dérive » peut-on lire dans le communiqué, tandis que devant les journalistes Ségolène Neuville a indiqué que cet engagement belge allait au-delà du texte de l’accord cadre. Enfin, point le plus attendu, une convention a été signée « définissant les modalités de mise en place des inspections conjointes » entre la Wallonie et l’Agence régionale de Santé (Nord Pas de Calais). Mais derrière cet affichage, pas sûr que l’on assiste effectivement à une forte multiplication des contrôles, notamment parce qu’il ne devrait pas y avoir d’inspecteurs supplémentaires pour réaliser ces nouvelles missions. Ségolène Neuville n’a d’ailleurs livré aucun objectif chiffré. « J’ai donné des instructions aux Agences régionales de santé, je leur laisse l’autonomie d’organisation. Mener les inspections, c’est leur métier ».
La France pourra-t-elle un jour donner l’exemple à la Belgique (et non plus se contenter de jouer les contrôleurs ?)
Cette manifestation d’unité face à la nécessité d’assurer le bien être des handicapés accueillis en Belgique ne peut nullement amoindrir l’urgence de nombreux autres enjeux, bien plus scandaleux encore que la constitution de « boîtes à Français ». D’abord, l’existence de dérives dans les centres belges ne doit pas faire oublier que la maltraitance est également une réalité dans les institutions françaises et à cet égard on n’en sait peu sur les résultats des nouvelles règles édictées par Marie-Arlette Carlotti en janvier qui menaçait de ne plus renouveler l’autorisation des centres en l’absence de contrôle de leur fonctionnement… Surtout, on l’a dit, l’exil des handicapés en Belgique est le résultat du manque chronique de place dans notre pays. Sur ce point, le ministre a promis qu’un recensement allait être effectué pour connaître enfin avec précision le nombre de personnes aujourd’hui accueillies en Belgique. Ségolène Neuville a par ailleurs affirmé hier : « Mon objectif c’est de stopper le flux, de redonner une liberté de choix aux familles » avant d’ajouter que « des mesures étaient en préparation ».
Difficile de savoir quelles seront les annonces en ce qui concerne le nombre de places. Mais Ségolène Neuville a déjà prévenu en septembre à l’occasion d’une interview à l’UNAPEI que la politique du handicap ne devait sans doute plus être appréhendée en termes de « nombre de places » mais d’inclusion des personnes handicapées dans la société. Sur ce point, si elle parvenait à créer une véritable impulsion, elle pourrait (pour une fois) inspirer la Belgique qui vient d’être critiquée par le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies pour ses failles en matière d’intégration des personnes handicapées.
Aurélie Haroche

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