22q11 et autisme (Dr Alain Cohen, Journal International de Médecine)
Cette affection génétique est souvent désignée par l’acronyme CATCH-22, en raison d’une allusion mnémotechnique à un célèbre ouvrage homonyme du romancier américain Joseph Heller (1923-1999). Publié aux États-Unis en 1961 (puis en France en 1964, sous le titre L’Attrape-nigaud) et adapté au cinéma par Mike Nichols en 1970, Catch-22 constitue « une satire féroce de l’armée lors de la Seconde Guerre Mondiale. » Le succès du roman a propulsé aux États-Unis son titre original dans le langage courant, pour désigner une situation de type « perdant-perdant » où –en théorie des jeux comme en pratique– l’intérêt de chaque protagoniste décline. Catch-22 narre l’histoire d’un aviateur volant à bord du bombardier B-25 et s’efforçant « à tout prix de sauver sa peau, en simulant la folie dans un monde qui a perdu la raison. » Mais l’infortuné militaire est confronté à une aporie, car cet article 22 du règlement prévoit justement que « quiconque veut se faire dispenser d’aller au feu n’est pas réellement fou ! » Pour sa caricature de l’armée et de la hiérarchie, Catch-22 devint un livre culte des pacifistes opposés à la guerre du Vietnam. Le lien mnémotechnique entre le titre du roman et le syndrome de DiGeorge permet de se remémorer à la fois l’origine génétique de la maladie (sur le chromosome 22) et sa symptomatologie principale :
C pour « Cardiac abnormality » (anomalies cardiaques)
A pour « Abnormal facies » (anomalies faciales)
T pour « Thymic aplasia » (aplasie du thymus)
C pour « Cleft palate » (fente palatine)
H pour « Hypocalcemia » (baisse du taux de calcium dans le sang)
Dans ce contexte d’une affection génétique prédisposant à l’autisme, une équipe d’Israël a comparé les troubles psychiatriques dans un groupe de 25 enfants (âgés de 3 à 8 ans) avec 22q11 et un autre groupe de 28 enfants (d’une répartition comparable, par âge et par sexe) avec des troubles autistiques considérés cette fois comme idiopathiques, c’est-à-dire non associés à un contexte connu d’ordre génétique. Parmi les outils d’évaluation disponibles, les chercheurs ont eu notamment recours à l’ADI-R (Autism Diagnostic Interview-Revised)[1], à l’ADOS (Autism Diagnostic Observation Schedule)[1], et à un examen clinique par un pédopsychiatre. Cette étude révèle que 84 % des enfants avec un syndrome 22q11 présentent « au moins une problématique de type psychiatrique » (notamment des troubles anxieux ou/et des troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité) et que 16 % d’entre eux relèvent des « critères diagnostiques des troubles du spectre autistique. » On constate aussi que les enfants avec 22q11 et troubles du spectre autistique associés ont généralement « des symptômes d’autisme moins sévères » que ceux avec un autisme idiopathique. Et indépendamment de la présence éventuelle d’une comorbidité d’ordre autistique, les enfants avec 22q11 ont tendance à présenter des « comportements répétitifs. » Les auteurs estiment que cette étude illustre « la nécessité de proposer une évaluation psychiatrique » de principe aux enfants avec 22q11, pour permettre une prise en charge précoce, si possible dès l’âge préscolaire, en cas de comorbidité psychiatrique associée à cette affection génétique.
[1] http://www.craif.org/le-diagnostic-7-50-les-tests-de-diagnostic-et-d-evaluation.html
Dr Alain Cohen