Le tabac pendant la grossesse et l’exposition ultérieure à la fumée a, on le sait, des conséquences dommageables pour la santé des enfants. Toutefois, en ce qui concerne une influence sur les capacités cognitives et le comportement des enfants, les résultats des études divergent. Certaines suggèrent que le tabagisme passif pourrait avoir une action plus marquée que l’exposition pendant la grossesse sur certaines capacités cognitives comme le raisonnement non verbal, les déficits du vocabulaire réceptif ainsi que sur les problèmes comportementaux. L’intervention de nombreux facteurs de confusion conduit à des difficultés d’interprétation.

Une recherche sur ce thème a été conduite dans le Sud-Est des USA par l’Université de Durham (NC). Les sujets faisaient partie d’une cohorte prénatale (Newborn Epigenetic Study) débutée en 2005. Parmi 2 595 femmes enceintes recrutées, 386 dyades mère/enfants ont participé à l’étude. L’exposition au tabac a été estimée objectivement par les dosages de cotinine.

Pendant la grossesse, les prélèvements sanguins ont été faits en moyenne à 20,7 ± 12,9 semaines de gestation. L’exposition précoce au tabac a été évaluée entre 3 et 13 ans à l’occasion de visites cliniques. Les enfants devaient cracher dans un flacon jusqu’au recueil de 5 mL. Les dosages de cotinine ont été effectués par chromatographie couplée à spectrométrie de masse.

Des « problèmes » d’attention et d’acquisition du langage chez les enfants exposés

Les moyennes géométriques (log) de concentrations en prénatal étaient de 0 ,96 et pendant l’enfance de 0,24. Les fonctions cognitives ont été testées selon un protocole standard de l’Institut National de la Santé (Cognitive Functions Toolbar) permettant d’explorer ses différentes composantes. Le QI des mères a été mesuré par le test de Wechsler. Les troubles du comportement ont été évalués, en particulier hyperactivité/troubles de l’attention, par des échelles standards (BASC) remplies par les parents.

Après ajustements par régressions multiples en fonction des facteurs de confusion, les concentrations de cotinine des enfants étaient associées à une baisse des performances cognitives au cours des épreuves mesurant la flexibilité cognitive (β = -1,29 ; P=0,03), la mémoire épisodique (β = -0,97 ; P = 0,02), le développement du langage réceptif (β = -0,58 ; P = 0,01), le contrôle inhibiteur et l’attention (β = -1,59 ; P = 0,006).

La concentration en cotinine des enfants était associée aux niveaux les plus élevés de problèmes d’attention aux échelles BASC (β= 0,83 ; P=0,004) mais après corrections, l’association n’était pas significative. Des associations entre le tabac maternel prénatal et les performances cognitives des enfants n’ont pas été mises en évidence (β=0) mais une interaction entre les concentrations de cotinine prénatales et post-natales a pu être établie quant au résultats de l’épreuve du vocabulaire des images (P=0,02).

En conclusion, ces résultats suggèrent que l’exposition au tabac pendant l’enfance peut conduire à une baisse de la régulation de l’attention et de l’acquisition du langage, à la capacité de traitement des signaux visuels complexes et à des problèmes d’attention.

Pr Jean-Jacques Baudon

RÉFÉRENCE

Fuemmeler BF et al. : Prenatal and childhood smoke exposure associations with cognition, language, and attention-deficit/hyperactivity disorder. J Pediat 2023; 256:77-84.e1. doi: 10.1016/j.jpeds.2022.11.041.