Handicap : les consultations spécialisées, encore nécessaires faute de mieux (Coline Garré, Le Quotidien du Médecin)
Si les consulations spécialisées sont aujourd’hui indispensables pour améliorer l’accès à la santé des personnes en situation de handicap, l’objectif doit rester une prise en charge dans les filières ordinaires, a affirmé le ministre de la Santé François Braun, lors des 3 es universités d’été du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Les personnes en situation de handicap sont deux fois moins dépistées pour le cancer que les autres ; 86 % des femmes n’ont jamais eu de mammographie, 26 %, de frottis. Plus de 40 % ont le sentiment que cet accès à la santé s’est dégradé depuis 10 ans. Autant de chiffres qui disent la difficulté de se soigner lorsqu’on sort de la norme.
« La langue des signes est très mal connue, et rares sont les soignants qui comprennent que notre chien est une partie de nous-mêmes que nous ne pouvons laisser à la porte du cabinet », a témoigné Jean Bouissou de l’Association nationale pour les personnes sourdaveugles (ANPSA). « Il peut être très difficile pour nous, autistes, d’exprimer nos symptômes et douleurs auprès d’un médecin, surtout lorsque nous avons une hypo- ou hypersensibilité et ne supportons pas les contacts physiques, décrit pour sa part Antoine Cathébras, membre de l’association des Personnes autistes pour une autodétermination responsable et innovante (Paari). C’est à moi de m’adapter à mon généraliste pour me faire comprendre. »
Face à ces impasses, les consultations spécialisées sont-elles « un passage obligé pour se faire soigner ? », se sont interrogés plusieurs acteurs du secteur, le 30 août, lors des 3es universités d’été du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
L’horizon du droit commun
« Les consultations spécialisées handicap sont indispensables, mais il ne faut pas perdre l’objectif : toute personne, quels que soient son état de santé, sa condition sociale, son lieu d’habitation, doit avoir accès à la santé de la même manière qu’une autre. Et cet objectif doit être atteint dans les mois et années à venir », a répondu le Dr François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, résolu à lutter contre les multiples inégalités.
Mais en attendant que tout un chacun puisse être soigné dans le droit commun, les dispositifs spécifiques « permettent de construire un chemin. Ce sont des petits pas, des boussoles », a-t-il reconnu.
Ces dispositifs sont nombreux (1). La table ronde du CNCPH a notamment été l’occasion de présenter Handibloc, porté par l’agence régionale de santé (ARS) Bretagne. Ce service (qui s’inscrit plus largement dans le programme de consultations dédiées handiaccès29) permet de réserver un bloc pour un patient soumis à une anesthésie générale, au cours de laquelle sont réalisés divers bilans ou soins (fibroscopie, soins dentaires, etc.), selon les besoins. « L’anesthésie générale n’intervient qu’en dernier recours, après avoir essayé des consultations blanches ou des soins sous Meopa. Elle permet de ne pas multiplier les gestes et de prévenir les abandons de soins », résume la Dr Gwénaëlle Corbé, conseillère médicale à l’ARS Bretagne.
Cap sur la formation des soignants
Fabrice Julien, directeur de la clinique Bonneveine à Marseille, a quant à lui évoqué la structuration depuis 2009 d’un pôle de santé global consacré au handicap. Né d’un besoin de soins dentaires adaptés, il rassemble aujourd’hui plus de 60 spécialités médicales et paramédicales – ne manque qu’un scanner, réclame le directeur. Les soignants ont bénéficié de plans de formations : « Plus jamais l’un d’eux ne me confie ses craintes ou réticences », explique-t-il. Et d’insister sur l’appui nécessaire aux équipes : « Tout professionnel de santé veut bien faire, mais par méconnaissance, peur, difficulté de communication, volonté d’aller vite, la bienveillance peut se perdre. »
À l’instar de l’initiative marseillaise, tous les soignants devraient être formés à accueillir le handicap, considère le Dr Braun. « Les contraintes existent déjà ; les urgences sont en théorie obligées d’accepter toutes les personnes adressées par la régulation, souligne-t-il. Il est illégal de refuser un chien guide d’aveugle. Des recommandations de la Haute Autorité de santé pour la prise en charge des patients avec trouble du spectre de l’autisme existent. Mais cela doit devenir naturel. » Et de suggérer de faire encore mieux entendre la parole des soignés au cours de la formation des soignants : « Il n’est pas de meilleure personne que celle qui vit les choses pour les faire comprendre à un futur médecin. »
(1) Ils sont recensés dans une banque d’expériences sur le site coactis-sante.fr
Coline Garré