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Assistance sexuelle : le CNCPH favorable à une expérimentation (Raphaël Lichen, Journal International de Médecine)

Paris, le mardi 14 février 2023 – Le Conseil national consultatif des personnes handicapées a fait savoir, à l’occasion d’un débat public organisé le 6 février dernier, qu’il était favorable à une expérimentation de l’assistance sexuelle. Un dispositif préconisé par un grand nombre d’associations et d’intéressés, mais qui ne fait pas l’unanimité — notamment parmi les syndicats.

Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) a formulé 13 propositions à l’occasion d’un débat public organisé la semaine dernière sur le thème suivant : « Quelle vie intime, affective et sexuelle pour les personnes handicapées ? ». Le Conseil a notamment proposé d’autoriser une expérimentation de l’assistance sexuelle, dans deux régions différentes et pour au moins deux ans.

Un débat relancé en 2020 par Sophie Cluzel

Sophie Cluzel avait relancé le débat en 2020 alors qu’elle était secrétaire d’État au Handicap en saisissant le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) concernant l’assistance sexuelle des personnes handicapées. Si ce dernier avait rendu un avis nettement défavorable, rappelant son attachement au droit français et à l’interdiction pénale de la prostitution et du proxénétisme, Sophie Cluzel avait tout de même tenu à demander la mise en place d’ateliers participatifs afin de prendre en compte la parole des personnes handicapées, de leurs proches ainsi que des professionnels.

C’est dans ce contexte que le CNCPH a rendu ses conclusions le 6 février dernier lors de la journée-débat qui s’est tenue au ministère des Solidarités et de la Santé, à Paris. Parmi les treize propositions formulées par le Conseil durant cette journée, c’est l’assistance sexuelle qui a concentré une bonne partie des débats.

Une expérimentation sur deux ans

Le CNCPH a proposé d’expérimenter l’assistance sexuelle dans au moins deux régions différentes et pour une durée de deux ans. Pour le Conseil, le plus important reste, néanmoins, de lever les obstacles juridiques à cette expérimentation, notamment pour éviter que les proches soient poursuivis pour proxénétisme, et que les personnes handicapées soient elles-mêmes considérées comme clients de prostitution.

Le CNCPH propose donc de faire de l’assistance sexuelle « un droit d’accès à un meilleur état de santé sexuelle, affective et intime pour que le bénéficiaire du service, le gestionnaire, les professionnels et l’assistant sexuel bénéficient de la protection mentionnée à l’article 122-4 du code pénal ».

Concernant les assistants, ils seront recrutés « en fonction de leurs qualités et compétences relationnelles, verbales et non verbales, puis formés », explique le Comité. Mais ils devront en revanche bénéficier « d’un statut et d’une professionnalisation ».

La mesure a reçu un accueil mitigé

Cette expérimentation, qui devrait être financée par la Sécurité sociale, a été saluée par plusieurs associations et de nombreux intéressés. « Bien que modeste, c’est une opportunité politique majeure », a indiqué l’association CH(s) OSE dans un communiqué. « Par son cadre éthique et la qualité proposée en matière de formation, elle pourrait enfin démontrer la faisabilité de ces services et les bénéfices pour les personnes en situation de handicap, les assistants sexuels et plus largement leur entourage », a ajouté l’organisation qui milite depuis longtemps pour la création de services d’accompagnement sexuel.

Mais la mesure suscite également des réserves importantes, notamment au sein des associations féministes, comme Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir (FDFA), qui a dénoncé une « régression » des droits des femmes à disposer de leurs corps.

Une militante CGT a également fait part de son inquiétude vis-à-vis de la potentielle « marchandisation du corps des femmes », mettant en avant le fait que la plupart des demandeurs sont des hommes. Même son de cloche du côté de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT), inquiète que cette expérimentation puisse mettre en danger les auxiliaires de vie.

Mais l’expérience internationale de l’assistance sexuelle semble peut-être démontrer l’inverse. « Un assistant dévolu à la sexualité permet de soulager les aides-soignants de ce type de risques », indique le psychologue Alain Joret, qui a participé à la formation d’assistants sexuels en Belgique. Fabrice Flageul, porte-parole de l’Association pour la promotion de l’assistance sexuelle (Appas), estime également qu’il est temps d’« arrêter l’hypocrisie » et de répondre à la détresse de nombreuses personnes handicapées par « une démarche positive, bénéfique, qui permet à des êtres humains de se sentir plus humains ».

Si aucun projet ou proposition de loi n’a encore été déposé en ce sens, les propositions formulées par le CNCPH ne manqueront donc certainement pas de raviver le débat sur l’assistance sexuelle en France.

Raphaël Lichten

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