La neuroplasticité joue peut-être un rôle clé dans la dépression et la réponse au traitement (Dr Alain Cohen, Journal International de Médecine)
Les efforts pour développer de nouveaux traitements antidépresseurs sont laborieux, notamment parce que notre compréhension de la physiopathologie de la dépression et des mécanismes antidépresseurs est encore balbutiante rappelle un éditorialiste de l’American Journal of Psychiatry.
Ainsi, l’hypothèse d’un dysfonctionnement des voies sérotoninergique, dopaminergique ou noradrénergique a montré « des limites claires » et les observations cliniques montrant une variabilité considérable des symptômes dépressifs et de la réponse aux antidépresseurs ont conduit à développer des conceptions alternatives où la dépression résulterait d’une activité altérée dans les circuits neuronaux de réseaux cérébraux spécifiques.
Dans ces modèles basés sur un dysfonctionnement de la connectivité cérébrale, un effet antidépresseur est attendu en induisant des changements plastiques dans les populations neuronales, par l’amélioration de la connectivité synaptique et en restaurant les propriétés fonctionnelles de circuits neuronaux spécifiques sous-tendant les symptômes dépressifs.
L’efficacité rapide de la kétamine est un argument
Cette hypothèse accordant à la neuroplasticité une place importante dans le mécanisme de la dépression et des traitements antidépresseurs est étayée par des travaux sur les mécanismes moléculaires sous-jacents aux comportements dépressifs dans des modèles de dépression animale (rongeurs), par des recherches en neuro-imagerie et par des « études post-mortem chez des patients souffrant de dépression majeure. »
Autre argument en faveur du rôle-clé de la neuroplasticité dans le mécanisme des troubles dépressifs : les effets antidépresseurs rapides de la kétamine, un antagoniste du NMDA (acide N-méthyl-D-aspartique)[1], connu pour améliorer la neuroplasticité dans des essais contrôlés randomisés, même chez des patients souffrant de dépression résistante au traitement.
Des études ultérieures (notamment en stimulation magnétique transcrânienne)[2] contribueront sans doute à évaluer et neuromoduler l’activité des réseaux de neurones impliqués dans la neurobiologie du trouble dépressif majeur et fourniront peut-être, estime l’auteur, de nouveaux biomarqueurs pour prédire ou/et surveiller la réponse des patients aux traitements antidépresseurs.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9cepteur_NMDA
[2] Cette technique de stimulation cérébrale non invasive est susceptible de « moduler les systèmes neuronaux et les fonctions cognitives, affectives et comportementales associées » et d’induire des changements plastiques « à la fois dans la région corticale directement ciblée » (par exemple, le cortex préfrontal dorsolatéral) et « dans les régions anatomiquement et fonctionnellement connectées à cette zone corticale. »
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Ferrarelli F: Is neuroplasticity key to treatment response in depression? Maybe so. Am J. Psychiatry 2022; 179(07): 451–453.