Ne pas passer à côté des TSA et TDAH chez les filles (Christine Fallet, Le Quotidien du Médecin)
Les troubles neurodéveloppementaux (troubles du spectre autistique [TSA] et troubles du déficit de l’attention/hyperactivité [TDAH]) sont plus fréquents chez les garçons. Et leurs manifestations sont moins caractéristiques chez les filles. Résultat, ils sont diagnostiqués plus tardivement et les femmes sont moins bien prises en charge.
Historiquement, les troubles du spectre de l’autisme ont d’abord été décrits par Léo Kanner et Hans Asperger dans des séries de garçons. Les études montrent effectivement un sexe ratio très déséquilibré : quatre garçons pour une fille. La sémiologie est globalement la même dans les deux sexes, avec des difficultés d’interaction et de communication ainsi que des intérêts spécifiques et des particularités sensorielles. Cependant, il existe des petites différences : les filles sont plus conscientes du besoin d’interactions sociales et elles ont tendance à imiter les autres dans l’interaction. Elles ont de meilleures capacités linguistiques et imaginatives et leurs comportements stéréotypés concernent plus souvent les animaux, les personnes, que les objets.
Une tendance au camouflage
« La timidité est socialement plus acceptable chez les filles que chez les garçons. On les repère moins, a ajouté la Pr Frédérique Bonnet-Brilhault (CHRU Tours). De plus, du fait de leurs meilleures aptitudes de fonctions exécutives, elles développent des stratégies compensatoires et une tendance au ‘camouflage’, ce qui peut être un facteur de stress et entraîner des comorbidités psychiatriques. »
Ces différences entre les deux sexes ne sont toujours pas expliquées. De nombreuses recherches sont en cours, concernant les facteurs biologiques, génétiques, sociologiques, éducatifs, culturels… sans réponse à ce jour.
Une récente méta-analyse (1) de données anatomofonctionnelles en imagerie sur 20 ans n’a pas permis de conclure : des modifications sont observées, mais différentes d’une étude à une autre et les études ne sont pas répliquées…
Chez la femme adulte, le diagnostic n’est pas toujours facile. Comme chez l’enfant, il vise à rechercher les critères DSM 5 à l’origine d’un retentissement cliniquement significatif. La démarche comprend une anamnèse depuis l’enfance, des observations directes et un recueil des observations rapportées par les proches. L’autism mental status exam (AMSE) est un bon outil de repérage. Cependant, des troubles mentaux (anxiété, TOC, dépression, trouble bipolaire, anorexie mentale…) sont fréquents chez l’adulte et peuvent masquer les signes de TSA.
L’épilepsie est plus fréquemment associée au TSA chez la femme que chez l’homme.
Une errance diagnostique de près de 15 ans
Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est le trouble comportemental le plus fréquent chez les enfants (7,1 %).
L’association HyperSupers TDAH France, créée par Christine Gétin, mère d’un enfant diagnostiqué à l’âge de 16 ans, œuvre depuis 20 ans pour une meilleure prise en charge médicale et scolaire de ces enfants. Elle vient de mener une enquête afin de mieux comprendre le parcours de soins et de comparer les populations hommes et femmes.
445 réponses (314 femmes et 131 hommes) ont été recueillies auprès des membres de l’association (âge moyen 40,5 ans) diagnostiqués TDAH. Les résultats montrent que la première consultation est plus tardive chez les femmes que pour les hommes : 32,7 ans chez les femmes vs 27,4 ans chez les hommes. Moins de 10 % ont eu un diagnostic avant 18 ans. L’errance diagnostique est en moyenne de 14,8 ans.
Les difficultés des femmes sont mal identifiées et insuffisamment prises en compte. Avant le TDAH, le premier diagnostic pour les femmes est celui de la dépression, avec une prescription d’antidépresseurs ou d’anxiolytiques.
Selon les études, la fréquence du TDAH est de 3,1 % à 16,1 % chez les garçons, soit deux fois plus que chez les filles. Le sexe ratio a tendance à s’équilibrer à l’âge adulte. Le taux de transmission est plus élevé dans les familles où les femmes sont touchées. « Chez la fille, les symptômes d’hyperactivité et d’impulsivité sont moindres. Elle présente plus de difficulté de maintien de l’attention, elle est distraite, désorganisée. Les troubles du comportement (bagarres à l’école, non-respect des règles) sont fréquents chez les garçons, alors que les filles présentent une internalisation de leurs troubles (thymie basse, labilité émotionnelle, anxiété) », a souligné la Dr Stéphanie Bioulac (CHU Grenoble). Mais le risque en termes d’abus de substances est identique, de même concernant les conduites à risques. Et le nombre de grossesses à l’adolescence est multiplié par cinq (15 % chez TDAH, vs 3 % dans la population).
Session « Girl power : les troubles neurodéveloppementaux au féminin »
(1) Mo et al. Neuroimage 2021
Dr Christine Fallet
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