Des sauts technologiques en 10 ans pour le handicap (Irène Drogou, Le Quotidien du Médecin)
En permettant grâce à l’électrostimulation à trois paralysés de marcher à nouveau, une équipe de Lausanne a apporté début février la démonstration éclatante de ce que la science peut promettre (« Le Quotidien » du 18 février). Quels progrès ont émergé en 10 ans pour la compensation du handicap moteur et mental ? Quels espoirs à court et à long termes ? Ces questions ont fait l’objet d’une audition fin janvier à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dont le précédent rapport datait de 2008.
Faire voir de nouveau des aveugles était un pari complètement fou. Aujourd’hui, la recherche en ophtalmologie a franchi des étapes importantes avec le développement de thérapies géniques et de prothèses rétiniennes. Très en pointe, l’IHU FOReSIGHT du Pr José-Alain Sahel, au sein de l’Institut de la vision à Paris, vise à redonner aux patients aveugles une vision utile (c’est-à-dire suffisante pour effectuer certains gestes de la vie quotidienne).
La prothèse rétinienne Pixium développée à l’Institut permet de restaurer une acuité visuelle (AV) proche de 1/20, soit le seuil correspondant au stade de la malvoyance (la cécité étant définie par une AV < 1/20), ce qui est comparable aux autres prothèses existantes. « C’est une puce électronique avec des photorécepteurs sensibles dans l’infrarouge », a décrit Serge Picaud, directeur de l’Institut de la vision. Afin d’améliorer la résolution, une autre approche est testée : la thérapie optogénétique, qui repose « sur le code d’une protéine photosensible issue d’une algue unicellulaire », détaille le chercheur.
Comme avec une prothèse, les patients doivent porter des lunettes avec une caméra et un projecteur infrarouge afin de capter et retransmettre l’image sur la puce électronique. Un patient en France a eu l’injection et peut reconnaître et saisir des objets. Autre piste mais moins avancée, pour les cécités liées à une perte des cellules ganglionnaires, une approche sans contact sonogénétique (via des protéines sensibles aux ultrasons) est testée chez l’animal, afin d’interagir avec les neurones du cortex visuel.
De la difficulté de communiquer
Mais alors que ces applications n’en sont qu’à leurs débuts, faut-il présenter ces avancées aux patients au risque de leur vendre du rêve ? « Toutes ces nouvelles technologies sont une vraie révolution. On doit susciter cet espoir », a répondu Serge Picaud, ajoutant qu’il est du devoir des chercheurs de « communiquer que la technologie se développe ». Ce d’autant que d’autres sont plus avancées : l’Institut vise aussi à prévenir le déficit. « Des maladies complexes ou héréditaires (monogéniques) peuvent être traitées dès le début de la maladie par des thérapies géniques », a expliqué Serge Picaud, citant la thérapie ND4 (Lumevoq) développée par la start-up GenSight Biologics (demande d’autorisation de mise sur le marché en cours).
Dans le domaine de la robotique, Jean-Louis Constanza, directeur de Wandercraft, la société qui a développé le premier exosquelette autoéquilibré, et lui-même père d’un enfant handicapé moteur, estime, quant à lui, qu’il y a une phase de transition à laquelle les médecins doivent s’adapter. Certes, « les soignants sont souvent les premières personnes à dire « tu ne marcheras plus », « tu ne verras plus », et c’est très dur pour un médecin même après 20 ans de pratique, a-t-il souligné. Ce n’est pas simple de s’entendre dire à un moment, par un ingénieur que ce n’est peut-être plus vrai et même que dans deux ans, ça sera là. » Certains médecins arrivent à nuancer leur discours, mais d’autres « s’y refusent », a-t-il regretté.
L’exosquelette a en effet beaucoup évolué depuis les années 1970. « Aujourd’hui, la technologie est utilisable grâce à des batteries, capteurs et moteurs très compacts », a abondé Ludovic Saint-Bauzel, chercheur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (Isir) et membre de la Fédération pour la recherche sur le handicap et l’autonomie (Fedrha).
Le modèle de Wandercraft, qui tient debout et permet la locomotion, est utilisé dans 10 hôpitaux en France pour la rééducation à la marche et à la verticalité. Une série d’études cliniques est en cours pour évaluer le bénéfice. Mais d’ores et déjà, la société travaille « à une deuxième version d’exosquelette personnel afin d’assister les mêmes patients dans la vie quotidienne », a rapporté Jean-Louis Constanza, soulignant la prudence dont sa société a fait preuve avant de communiquer sur le projet.
La technologie grand public bénéficie au handicap
Pour Ludovic Saint-Bauzel, si la promesse de l’interface cerveau-machine n’est pour l’instant pas au point, l’automatique, c’est-à-dire la mathématique appliquée aux systèmes et au pilotage, est aujoud’hui très robuste. Et une multitude de briques technologiques s’applique au handicap depuis la décennie passée.
« La télécommande a été développée au début pour les handicapés. Depuis 10 ans, c’est l’inverse : la technologie grand public va vers le handicap », a-t-il précisé. Les exemples foisonnent : les capteurs très compacts des smartphones, la communication sans fil (3-4G, Bluetooth), les capteurs 3D pour l’immersion des consoles de jeux (rééducation), l’impression 3D portée par la démocratisation des Fab labs communautaires (un docteur en aérospatiale a créé une prothèse bionique pour un enfant de six ans à l’aide de plans en ligne de type « My Human Kit »). Loin d’être un gadget pour les malvoyants et les handicapés, les caméras 3D sont utilisées en rééducation, guidage et domotique. De la même façon, « les technologies de reconnaissance vocale sont très fines avec des IA très puissantes pour aider ces personnes à piloter la maison », a ajouté Ludovic Saint-Bauzel.
Le chercheur en robotique insiste sur l’effort de personnalisation pour les solutions à proposer. « L’industrie veut aller vers des solutions génériques, or le handicap est spécifique à chaque personne », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « L’IA ne peut pas répondre à tout, car elle tend à généraliser sans prendre en compte la personnalisation », a-t-il averti, en insistant sur l’importance de comprendre les besoins des usagers. C’est ainsi qu’ont été développés un fauteuil roulant à deux roues (Gyrolift, qui permet la position assise ou debout) et Autonomad (possibilité d’être sur les deux roues arrière en cas d’obstacles).
Le robot dans l’autisme
Pour les handicaps mentaux et cognitifs, la prolifération d’application en réalité virtuelle (« serious games ») est exponentielle. Mais c’est sans doute dans l’autisme que l’apport de la technologie est le plus « spectaculaire » avec le robot compagnon, comme l’a rappelé Sophie Sakka, maître de conférences à Centrale Nantes. Mal perçu au début par les thérapeutes qui font de la thérapie d’accompagnement, l’interlocuteur mécanique donne des résultats en termes d’habiletés sociales en quelques semaines, là où il faut plusieurs années avec une thérapie. « Le robot est essentiel, c’est un accélérateur thérapeutique, a-t-elle expliqué, tout en insistant sur le fait que « le robot ne remplace pas le thérapeute », notamment pour faire en sorte que le jeune reproduise avec l’humain les effets obtenus avec le robot.
Toujours dans les troubles du spectre autistique, de nombreux outils sont utiles pour l’éducation et l’entraînement des habiletés cognitives, a abondé Ouriel Grynszpan, professeur à l’université Paris-Saclay, citant l’exemple des tablettes pour communiquer à l’aide de pictogrammes. Selon lui, les technologies, dont l’environnement est prévisible et rassurant, proposent une richesse de stimulation et permettent de gérer les problèmes d’attention.
Mais si le potentiel est réel, le chercheur déplore que leur intérêt thérapeutique soit encore trop peu validé. Un constat que rejoint la chercheuse Évelyne Klinger, membre de la Fedhra, pour les multiples applications dans les maladies psychiatriques (troubles anxieux, stress post-traumatique) et les affections neurologiques (apprentissage, rééducation post-AVC, traumatisme crânien…). Même si l’innovation va très vite, les chercheurs plaident pour une évaluation multidime.
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