Skip links

Bien dormir en pédopsychiatrie (Christine Fallet, Le Quotidien du Médecin)

Le déficit de sommeil a un effet majeur sur le comportement, la cognition et la santé mentale des enfants. Il peut fortement majorer la symptomatologie des enfants présentant des troubles pédopsychiatriques ou précipiter des passages à l’acte.

Les troubles du sommeil sont fréquents en pédopsychiatrie. Entre 1974 et 1986, il a été constaté une perte de 2 heures de sommeil en moyenne chez les enfants, expliquée par un coucher plus tardif. Chez les jeunes enfants, ce serait du essentiellement à des facteurs environnementaux.

On parle aussi de « jetlag social », quand il existe des rythmes de coucher et lever irréguliers entre la semaine et le week-end. Une enquête du Réseau Morphée/MGEN a notamment montré qu’en grande section maternelle, les enfants se couchaient 52 minutes plus tard les vendredis et samedis soir et 76 minutes plus tard en CM2.

Une étude menée à partir de la cohorte Eden (E. Reynaud) a mis en évidence l’association entre les réveils nocturnes et le comportement des enfants entre l’âge de 2 et 5-6 ans. Une trajectoire de réveils nocturnes durant cette période est un facteur de risque de troubles de l’attention/hyperactivité. Une autre étude (A.K. Danny Nguyen) a montré le lien entre l’augmentation des réveils nocturnes à 12 mois et l’émergence de symptômes autistiques à 24 mois.

Anomalies du rythme circadien associées aux troubles du comportement

« La prévalence des troubles du sommeil est très élevée, se situant de 50 à 80 % chez les enfants avec un trouble du spectre de l’autisme [TSA] c’est-à-dire qu’elle est au moins 4 fois plus fréquente que chez les enfants à développement normal », a déclaré la Pr Carmen Schröder (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg). Il a été clairement démontré chez l’enfant avec TSA que les troubles du sommeil ont des répercussions importantes : troubles de l’attention, de la mémoire et des apprentissages, troubles du comportement et de la régulation émotionnelle, etc.

Une récente étude (E.Yavuz-Kodat) a évalué l’impact des troubles du sommeil et du rythme circadien, mesurés objectivement par actigraphie, sur les troubles du comportement chez 52 enfants atteints de TSA âgés de 3 à 10 ans. Plus le sommeil était interrompu et plus il était associé à une augmentation de l’irritabilité et des comportements stéréotypés.

Ainsi, les troubles du sommeil expliquent les troubles du comportement : 17 % du retrait social, 18 % de l’irritabilité et 36 % des comportements stéréotypés seraient expliqués par des anomalies du rythme circadien et un déficit en sommeil continu. « L’identification des troubles du sommeil et du rythme circadien comme facteurs explicatifs des troubles du comportement justifie leur prise en compte dans les approches thérapeutiques des enfants atteints de TSA », a expliqué la Pr Carmen Schröder.

Mélatonine dans les TSA

La sécrétion nocturne de mélatonine joue le rôle d’un synchroniseur endogène vis-à-vis du rythme veille-sommeil ; chez les enfants avec TSA, il existe un déficit de sécrétion de mélatonine.

Un traitement par mélatonine à libération prolongée a été évalué chez 125 enfants et adolescents avec TSA, âgés de 2 à 18 ans, pendant 13 semaines, en double aveugle contre placebo, puis en phase ouverte sur 2 ans. « En agissant positivement sur le maintien du sommeil, la mélatonine LP a permis d’améliorer les troubles du comportement externalisants », a précisé la Pr Carmen Schröder.

Les réveils nocturnes augmentent les idées suicidaires

En 2015, une étude menée par Winsler sur une population de 27 939 adolescents âgés de 13-17 ans, a montré qu’une seule heure de sommeil en moins la semaine, était associée à une augmentation des idées suicidaires et des tentatives de suicide. Plus la durée du sommeil est courte et plus le risque est important. À l’inverse, une durée de sommeil ≥ 9 heures aurait plutôt un effet protecteur.

Il a aussi été montré qu’un décalage de plus de 2 heures entre la durée de sommeil pendant la semaine et le week-end augmentait les idées suicidaires. Mais les facteurs les plus significatifs sont les réveils nocturnes fréquents, qui multiplient par 4 le risque de tentatives de suicide, ainsi que le sommeil « non réparateur » décrit par l’adolescent, qui multiplie le risque par 3.

Une étude descriptive, comparative et transversale a été récemment conduite aux CHRU de Strasbourg et de Nancy (F.Ligier). Elle a inclus 58 adolescents suicidaires (dont 7 garçons), âge moyen 14,3 ans, comparés à 225 témoins (dont 120 garçons) du même âge. Pendant les jours d’école, une durée de 44 minutes de sommeil en moins et une latence d’endormissement supérieure à 34 minutes ont été enregistrées chez les suicidaires au cours du mois précédant le passage à l’acte. Il s’agit d’une étude d’association et il est difficile de conclure : le déficit de sommeil est peut-être un symptôme du trouble dépressif associé. Il se peut aussi que le trouble du sommeil, lorsqu’il s’ajoute à un trouble pédopsychiatrique, précipite le passage à l’acte.

Quoi qu’il en soit, toutes ces études confirment l’importance de la prévention, du repérage précoce, du diagnostic d’un déficit en sommeil et de la prise en charge dès le plus jeune âge, surtout en présence de troubles du comportement.

Communication de la Pr Carmen Schröder (Strasbourg)

Dr Christine Fallet

 

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience.
Home
Account
Cart
Search