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Pénurie de médicaments : nouvelle alerte d’un collectif de médecins (Aurélie Haroche, Journal International de Médecine)

Paris, le lundi 19 août 2019 – Ce sont des médicaments très largement utilisés et pour des indications variées comme les corticoïdes ou au contraire des traitements ciblés comme, par exemple, ceux destinés à limiter les risques de récidive des cancers de la vessie. Ce sont des pénuries prolongées, se prolongeant parfois pendant un an ou des ruptures de stocks temporaires mais brutales. C’est en tout cas devenu le quotidien de million de malades et de professionnels de santé.
Tant les pharmaciens que les médecins et les infirmières sont régulièrement contraints aujourd’hui d’imaginer des solutions alternatives, parfois potentiellement à risque pour les patients, afin de contourner l’absence de certains médicaments ou dosages. Une enquête réalisée au début de l’année par le collectif d’associations de patients France Assos Santé indiquait ainsi qu’un Français sur quatre avait été confronté au cours des mois précédents à l’impossibilité de se procurer un médicament ou un vaccin, pour lui-même ou pour un de ses proches. On sait par ailleurs que le nombre de difficultés d’approvisionnement répertoriées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est passé de 44 en 2008 à 868 l’année dernière.

Fragmentation et enjeux économiques

Les raisons de ces « tensions» qui se multiplient sont identifiées de longue date. La fragmentation du processus de fabrication et de production des médicaments ces dernières années n’a pu que conduire à une augmentation des risques de rupture. De la fabrication des principes actifs qui a été majoritairement délocalisée en Inde et en Chine jusqu’à la distribution en France en passant par le façonnage qui est régulièrement réalisé aux États-Unis, chaque étape peut être l’objet de défauts de matière première, d’erreurs ou de contaminations entraînant des retards ou de dysfonctionnements techniques. A cette fragmentation nécessairement dangereuse, s’ajoutent des enjeux économiques qui conduisent les industriels à se montrer souvent plus exigeants pour la production des médicaments les plus coûteux (qui peuvent par exemple bénéficier d’interventions prioritaires en cas de problèmes sur une chaine de distribution).

Gestion des problèmes et transparence

La situation n’a pas été ignorée par les pouvoirs publics qui ont mis en place différents dispositifs pour tenter de corriger les facteurs de risque de pénurie. Depuis 2012 notamment, les laboratoires ont accepté de se doter de plans de gestion de pénurie, qui permettent la mise en œuvre de réponses plus rapides en cas de tensions, quelles qu’elles soient. De la même manière, le ministre de la Santé a présenté au début de l’été une série de mesures dont l’objectif est notamment de renforcer la transparence entre les laboratoires, les autorités et le grand public.

Prévenir plutôt que guérir

Cependant, comme les chiffres en témoignent, les efforts engagés n’ont pas permis d’endiguer la progression des pénuries. Aussi, une nouvelle fois, un collectif vingt-six praticiens hospitaliers, signent dans le Journal du Dimanche (JDD) une tribune alertant les pouvoirs publics et surtout les invitant à une action forte, non plus pour gérer les pénuries mais pour les prévenir. Trois mesures s’imposent écrivent les praticiens, qui ont accepté de répondre à l’invitation de l’initiateur de la tribune le professeur Jean-Paul Vernant. D’abord, ils veulent que « soient imposées (…) la constitution et la gestion de stocks de médicaments d’intérêts thérapeutiques majeurs sous forme de produits finis». Ces stocks permettraient en effet de répondre aux situations d’urgences en cas de dysfonctionnements sur une chaîne ou de défaut de certaines matières premières. Les auteurs du texte veulent également que « soit rapatriée en Europe la production des principes actifs », une disposition qui selon eux ne devrait avoir que peu d’impact sur le coût des médicaments. Enfin, ils préconisent que soit créé « un établissement pharmaceutique à but non lucratif, si possible européen, sinon français». Ils invitent à cet égard à réfléchir à une initiative américaine où les médecins de 500 établissements hospitaliers indignés des pénuries toujours plus nombreuses et des augmentations brutales des prix des médicaments (en la matière les enjeux sont assez différents en France) « se sont réunis pour fonder un établissement pharmaceutique (…) produisant des médicaments passés dans le domaine public».

Des conséquences trop souvent minimisées ?

Le ministre de la Santé dont les dernières mesures sur le sujet témoignaient d’une certaine frilosité entendra-t-elle cet appel alors qu’une première réunion du comité de pilotage dédié à la pénurie de médicaments est attendue le 5 septembre ? Peut-être se montrera-t-elle plus sensible à la nécessité d’actions plus musclées à mesure que seront publiées des données (encore parcellaires mais en cours de constitution par de nombreuses équipes, notamment en France) sur les conséquences cliniques directes de ces pénuries sur les patients, conséquences parfois minimisées mais qui sont loin d’être rarissimes.
Aurélie Haroche

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