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Aux origines de la fake news liant vaccin ROR et autisme (Charlène Catalifaud, Le Quotidien du Médecin)

C’est une des fake news qui nourrit le plus la défiance anti-vaccins actuelle : en 1998, un gastro-entérologue britannique du nom d’Andrew Wakefield et son équipe montrent dans « The Lancet » un lien possible entre le vaccin rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et le syndrome autistique (1). L’étude, observe le Pr Joël Gaudelus, pédiatre infectiologue à l’hôpital Jean Verdier de Bondy, n’est menée « que chez 12 patients, sans groupe comparateur » et met en évidence un « méli-mélo entre troubles digestifs et syndrome autistique ». Mais le fait que certains de ces troubles soient apparus après la vaccination ROR suffit à propager l’idée d’un lien de cause à effet.

Dans le monde anglo-saxon, l’effet est dévastateur : « l’étude de Wakefield a entraîné une baisse considérable de la couverture vaccinale au Royaume-Uni », déplore le Pr Gaudelus. Même chose aux Etats-Unis. En revanche, « en France, la méfiance envers les vaccins n’est pas spécifique au vaccin ROR. L’étude de 1998 n’a pas eu d’impact significatif, comme a pu l’être le lien évoqué entre vaccin de l’hépatite B et sclérose en plaques, depuis infirmé », estime le Pr Odile Launay, infectiologue à l’université Paris Descartes et coordinatrice du centre d’investigation clinique Cochin Pasteur dédié à la vaccinologie.

Rapidement, l’étude de Wakefield est remise en cause. Après les biais méthodologiques, la falsification de certains éléments de l’étude est découverte, ainsi que les liens d’intérêts du gastro-entérologue avec les avocats de parents d’autistes qui poursuivaient des laboratoires pharmaceutiques. En 2010, « The Lancet » retire la publication (aujourd’hui disponible avec la mention « rétracté ») et Andrew Wakefield est radié de l’ordre des médecins britanniques (General Medical Council).

Mais le mal est fait. La fausse information autour du vaccin ROR et de l’autisme est désormais régulièrement évoquée : « les antivaccins, peu nombreux, reprennent les différentes hypothèses et les amplifient », souligne le Pr Launay. « L’article de Wakefield a alimenté un puissant mouvement antivaccin qui persiste encore aujourd’hui », abonde Anders Hviid, chercheur danois, co-auteur de deux études sur vaccin ROR et autisme, dont la dernière date de mars.

La rumeur est nourrie par le fait que les premiers signes de l’autisme apparaissent vers 2 ans, soit au moment de la vaccination ROR. L’augmentation de la prévalence de l’autisme a également ajouté de l’eau au moulin des antivax. « D’autres raisons peuvent expliquer cette hausse, telles que l’amélioration des méthodes de diagnostic et peut-être certains facteurs environnementaux », précise le Pr Launay.

Depuis l’étude de Wakefield, des scientifiques n’ont eu de cesse de réaliser des études rigoureuses afin d’explorer l’hypothétique lien ROR-autisme. Les dizaines d’études sont unanimes : la survenue d’un trouble autistique après un vaccin ROR est une coïncidence.

En 2002 déjà, une étude danoise, dont Anders Hviiid est co-auteur, a réalisé une étude de registre rétrospective auprès 537 303 enfants. Les résultats, publiés dans « The New England Journal of Medicine », n’ont montré aucune association.

En 2015, une équipe américaine, menée chez 95 727 enfants ayant un aîné présentant ou un trouble du spectre autistique, concluait dans le « JAMA » : « nos résultats n’indiquent aucune association néfaste entre le vaccin ROR et les syndromes autistiques, même chez les enfants déjà exposés à un risque élevé ».

À ce stade, on pourrait penser que la polémique appartient au passé. Pourtant, en février 2017, Andrew Wakefield a été invité par la députée européenne écologiste Michèle Rivasi pour présenter son film « Vaxxed » devant le Parlement européen. Sa venue a finalement été annulée, et l’eurodéputée s’est défendue d’être antivaccin.

Des études essentielles pour rassurer

Début mars 2019, une étude d’Anders Hviid publiée dans « Annals of Internal Medicine », a confirmé une nouvelle fois l’absence de lien. Elle a été menée auprès de 657 461 enfants. Le Pr Gaudelus salue « une étude remarquable » dans laquelle les investigateurs « ont augmenté la puissance statistique et montré l’absence de lien, même dans les populations les plus à risque ».

« Dans un contexte de recrudescence de la rougeole et dans un climat de méfiance vaccinale, où 40 % des Français ont des doutes sur l’innocuité des vaccins, ce type d’étude est essentiel pour rassurer et rétablir la confiance envers la vaccination », avance le Pr Launay. « La pharmacovigilance demeure également indispensable », précise le Pr Gaudelus, appelant les médecins à déclarer tous les effets indésirables graves et/ou inattendus liés à la vaccination. « Aujourd’hui, nous avons suffisamment d’éléments solides pour affirmer que la vaccination ROR n’entraîne pas de syndrome autistique », conclut-il.

(1) A. Wakefield et al., The Lancet, DOI:https://doi.org/10.1016/S0140-6736(97)11096-0, 1998
(2) K. Madsen et al., N Engl J Med, DOI: 10.1056/NEJMoa021134, 2002
(3) A. Jain et al., JAMA, doi:10.1001/jama.2015.3077, 2015
(4) A. Hviid et al., Ann Intern Med, DOI: 10.7326/M18-2101, 2019

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