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Sans gluten : régime salutaire ou aubaine marketing ? (Christian Delahaye, Le Quotidien du Médecin)

Le gluten serait à l’origine de bien des maux selon ses détracteurs. Faux, rétorquent des spécialistes qui y voient surtout « un phénomène de mode », « une aubaine industrielle et marketing ».
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Fortement relayés par les médias et surtout par les réseaux sociaux, les régimes d’exclusion débordent des rayons alimentaires pour investir les modes de vie, avec les « sans-se-laver », « sans-s’habiller »… Le même scénario attire à chaque fois des foules d’adeptes : haro sur un produit, une substance, un comportement, qui empêcherait de bien vivre. Enjeu : se soigner individuellement, en dehors des chemins médicaux scientifiquement balisés. « Le Quotidien » propose un état des lieux de ces « sans-sans », en deux temps : intox/détox.

Intox au gluten ?

Bienvenue sur la planète sans gluten, chantent en chœur les sirènes Internet de l’éradication de ce complexe protéique composé de gliadine et de gluténine, présent dans l’endosperme des grains de blé, d’orge, d’épeautre et de seigle, complexe dont la viscoélasticité lui vaut sa dénomination (du latin gluten, colle). Et complexe qui serait source de bien des maux.

En 1996, un médecin pionnier, le Dr Jean Seignalet, tirait la sonnette d’alarme en imputant au gluten les poussées inflammatoires et les dérèglements intestinaux (« l’Alimentation ou la troisième médecine », éditions du Rocher) ; en 2005, le best-seller « Et si c’était le gluten ? » (éditions Jouvence) prêchait une authentique croisade. « J’ai transmis au grand public mon expérience de personne sensible au gluten », explique son auteur, le thérapeute Philippe Barraqué, en témoignant de la meilleure qualité de vie, physique et mentale, procurée par l’exclusion du gluten. »

Le gluten fautif de la mauvaise digestion, mais aussi de l’arthrite, mais encore des migraines, est désigné bien au-delà des seuls patients diagnostiqués atteints de la maladie cœliaque (après analyse de sang et biopsie intestinale).

Selon l’Association française des intolérants au gluten (AFIDAG), ceux-ci représenteraient 1 % de la population, soit 660 000 personnes, alors que le nombre des adeptes du « sans-gluten » est estimé entre 5 et 6 millions, principalement des patients dits sensibles ou hypersensibles, souvent militants, avec leurs restaurants dédiés, leur emblème (un épi barré) dans leurs rayons spécialisés. Aux États-Unis, le chiffre d’affaires sans-gluten est estimé à 6,6 milliards de dollars, d’après le magazine « Time ».

Détox

Le régime sans gluten aurait plutôt un effet cardiovasculaire négatif, selon une récente étude parue dans le « British Medical Journal » (2 mai 2017). En outre, les adeptes de l’alimentation sans gluten auraient un taux d’arsenic et de mercure dans les urines près de deux fois supérieur à la moyenne, d’après une étude parue dans la revue « Epidemiology » (mars 2017), en raison du remplacement du blé par la fleur de riz, qui accumule des métaux toxiques.

Surtout, avertit le nutritionniste Alexandre Glouchkoff, « en déshabituant la flore intestinale du gluten, on procure peut-être un mieux-être à court terme, mais, à longue échéance, on va créer d’authentiques intolérants chez les simples hypersensibles. » « Un régime strictement sans gluten, faute de bilan préalable et de suivi par un spécialiste, entraîne des déficits d’apports, ajoute le médecin nutritionniste Hervé Robert, notamment en fibres, en protéines, en vitamines B1, B3 et B6, en fer zinc, magnésium, phosphore et potassium, présents dans le pain et les pâtes. »

« Il faut dénoncer un pur phénomène de mode qui excède les indications médicales », estime le Pr Léon Gueguen, ex-directeur de recherche à l’INRA. « Ce régime est avant tout une aubaine industrielle et marketing, confirme le Pr Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition de l’institut Pasteur de Lille. Il entretient dans l’esprit des consommateurs un sentiment de désarroi et de malaise non seulement par rapport aux aliments de base que sont le pain ou les pâtes, mais il nourrit un climat de défiance à l’égard des médecins et des experts, suspectés de conflits d’intérêts avec la galaxie de l’industrie alimentaire, au motif qu’ils ne valident pas ce régime quand il est massivement diffusé. Le danger, c’est que la parole médicale finit par être contestée. »

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