Dépakine : l’APESAC s’échauffe dans l’attente des premiers résultats de l’enquête sanitaire (Betty Mamane, Le Quotidien du Médecin)
« C’est un scandale sanitaire énorme qui pourrait avoir fait entre 50 0000 et 70 0000 victimes sur 50 ans de prescription », s’échauffe Marine Martin, présidente de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (APESAC) dans l’attente des premiers résultats annoncés pour mercredi de l’étude sur le valproate de sodium lancée l’an dernier par les autorités sanitaires.
La préannonce en a été faite par le ministère des Affaires sociales et de la Santé, il y a une dizaine de jours en réponse à l’édition du « Canard enchaîné » du 10 août selon laquelle une première partie de l’étude réalisée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAMTS) aurait été « cachée aux familles ». Un démenti, publié le jour-même sur le site du ministère, indiquait qu’une présentation du premier volet par le directeur général de la santé à l’APESAC était prévue le 24 août.
Un plan d’action rendu public en septembre
« Le ministère étudiera, en lien avec cette association représentative des familles avec laquelle il travaille étroitement, les mesures qu’il apparaîtra nécessaire de mettre en œuvre », était-il précisé. Le ministère ajoute que l’étude et « le plan d’action qui sera établi sur cette base » seront rendus publics début septembre.
La Dépakine fait l’objet de controverses depuis octobre 2013, en raison de la description persistante de cas de malformations congénitales et de troubles neuro-développementaux chez les enfants exposés in utero au valproate et dérivés. L’Agence européenne du médicament (EMA) avait procédé à la réévaluation des spécialités concernées, et à un renforcement des mises en garde sur l’utilisation du valproate de sodium chez les jeunes filles, les adolescentes, les femmes en âge de procréer, et les femmes enceintes. Ces mises en garde ont été régulièrement rappelées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), tandis que la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine a annoncé en mars dernier la mise en place d’une filière adaptée de diagnostic et de prise en charge des enfants souffrant des symptômes liés à l’exposition in utero à cet anti-convulsivant.
Un « manque de réactivité » pointé par l’IGAS
Les risques de malformations auraient commencé à se faire connaître dans les années 1980, mais ce n’est qu’en 2006 que la notice à destination des patients déconseille pour la première fois l’utilisation de la Dépakine chez la femme enceinte, « à peu près en même temps que l’apparition des premiers génériques », note Marine Martin. Mais il faudra encore dix ans et une forte médiatisation pour que les patientes se voient imposer la signature d’un protocole d’accord de soins les informant formellement des risques encourus.
Dans un rapport publié en février, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) fustigeait « le » manque de réactivité » de Sanofi et de l’Agence du médicament ANSM. La prise de conscience des dangers du valproate s’est également faite très lentement dans le corps médical : selon l’IGAS, 1 médecin sur 5 et 1 pharmacien sur 3 ne connaissaient pas les effets du valproate sur les enfants à naître en 2008.
Une évaluation officielle du nombre de victimes attendue
Selon des informations parues dans le « Canard Enchaîné », l’étude menée conjointement par l’ANSM et la CNAMTS montrerait que 10 000 femmes enceintes se sont encore vu prescrire du valproate entre 2007 et 2014. En 2014, juste avant l’introduction de nouvelles restrictions décidées à l’échelle européenne, 93 000 femmes en âge de procréer prenaient du valproate dont 37 000 contre l’épilepsie (Dépakine et génériques) et 56 000 pour des troubles bipolaires, notait pour sa part l’IGAS dans son rapport.
Aucune évaluation officielle du nombre de victimes n’a encore été publiée à ce jour, à l’exception d’un chiffre de l’IGAS faisant état de 450 enfants nés avec des malformations congénitales entre 2006 et 2014 après avoir été exposés in utero au valproate. Sanofi indiquait pour sa part il y a quelques jours n’avoir pas connaissance des données de l’étude qui doit être présentée mercredi par le directeur général de la santé Benoît Vallet à une délégation de l’APESAC.