Le gouvernement et l’IGAS soufflent le chaud et le froid au Comité national autisme (Frédéric Haroche, Journal International de Médecine)
Paris, le vendredi 22 avril 2016 – C’est dans une ambiance tendue qu’a débuté le Comité national autisme qui se réunissait hier à l’hôtel de ville de Paris. Composé de représentants des associations, de professionnels et des administrations, chargés du suivi du 3e plan autisme (2013-2017), l’aréopage a été accueilli par les slogans d’une vingtaine de parents qui s’étaient rassemblés à l’appel de Vaincre l’Autisme pour demander « la fin de la psychiatrisation », la « scolarisation dans les écoles de la république » et « une prise en charge efficiente et bienveillante ». Cette association, qui a quitté la table des discussions il y a deux ans, a dénoncé par avance des « mesurettes ».
L’IGAS alarme
L’atmosphère n’aura pas été réchauffée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui a présenté une situation alarmante, notamment en dénonçant les « dysfonctionnements trop nombreux » qu’elle a observés dans les 26 Centres de Ressources Autisme (CRA).
Cette mission a confirmé le manque de statistiques, l’hétérogénéité du fonctionnement des CRA, les disparités concernant la formation des professionnels et le respect des bonnes pratiques.
L’IGAS a également souligné le problème des délais d’attente considérables dans les différentes phases du diagnostic « pour l’année 2014, le délai global entre la réception de la demande et la restitution du bilan dans les 22 CRA est en moyenne de 419 jours ».
L’institution a aussi évoqué les difficultés des autistes adultes (les qualifiant de « génération sacrifiée »), et dont la situation n’est « pas suffisamment prise en compte dans les différents plans ». L’IGAS a recommandé aux CRA de prendre davantage de patients en charge.
Le gouvernement rassure
Face à ce constat, Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion, a annoncé une batterie de mesure. Elle a tout d’abord déclaré que sa priorité était de réduire les délais de dépistage, notamment en renforçant les échanges des CRA avec l’éducation nationale et les maisons départementales des personnes handicapées.
Mesure particulièrement attendue, la secrétaire d’état a indiqué dans un entretien au journal Le Monde sa volonté de décharger les familles, d’une partie des frais, parfois considérables, pour assurer une prise en charge satisfaisante d’une personne atteinte de ce trouble : « Nous mettons en place un système très souple qui va permettre de faire venir travailler ces professionnels choisis avec les parents, qui passeront une convention ou un contrat avec des structures médico sociales. Ces contrats permettront donc d’organiser leur prestation au domicile, à l’école… et de les payer en fonction des prestations directement délivrées aux enfants ou adultes autistes, et aux parents. Les familles qui ont déjà recours à de tels professionnels pourront les proposer aux plates-formes, pour qu’elles conventionnent et elles n’auront plus rien à payer (…) Ce dispositif, appelé pôles externalisés de compétence, est inscrit dans les circulaires qui partent dans les Agences régionales de santé dans les jours à venir (…) Le financement a été prévu sur des budgets non encore dépensés du plan autisme. Les coûts pourront aussi être prélevés sur les 15 millions d’euros qui ont été distribués dans les Agences régionales de santé, afin de trouver des solutions pour éviter des départs de personnes autistes dans des établissements en Belgique ».
Ségolène Neuville a, d’autre part, promis la future amélioration des établissements médicosociaux. Ces derniers sont en train de s’auto évaluer à partir d’un référentiel, puis ils consulteront les Agences régionales de santé (ARS) afin de préciser leurs besoins, en matériel et en formation.
Ségoléne Neuville est revenue sur les unités d’enseignement en maternelles (UEM), prévues par le troisième plan autisme : « Depuis deux ans, 60 ont été ouvertes, et 50 de plus seront fonctionnelles à la rentrée prochaine, soit 10 de plus que prévu. C’est un dispositif original, sans équivalent à l’étranger, destiné à accueillir des enfants avec une forme d’autisme sévère, dans l’objectif de leur faire ensuite réintégrer l’école ordinaire au CP » a-t-elle rappelé et expliqué.
Elle s’est aussi exprimée sur la pratique du « packing », qui consiste à envelopper un patient de linges froids et humides en guise de contention, et elle a jugé « c’est une maltraitance (…) Cette pratique ne doit donc plus être utilisée dans les établissements, et cela est écrit en toutes lettres dans la circulaire, qui va être envoyée aux Agences régionales de santé ».
Elle a par ailleurs précisé que les inspections au sein des hôpitaux de jour de pédopsychiatrie, destinées à vérifier si les recommandations de la HAS sont bien appliquées, démarreront en 2016.
Ségolène Neuville a enfin signifié vouloir confier une mission à Josef Schovanec, autiste Asperger, et « expert de l’insertion professionnelle des adultes autistes ».
Les familles se félicitent ?
Parmi les préoccupations des familles figurent les signalements dont peuvent faire l’objet certains parents auprès des services de protection de l’enfance, en raison d’une méconnaissance de l’autisme. Un « plan d’action » sera décliné au niveau interministériel, afin que les « spécificités de l’autisme » soient mieux prises en compte par les différents intervenants (dont les juges) a-t-il été assuré au cours de cette réunion.
La secrétaire d’état s’est aussi félicitée des « retours des parents et des professionnels très enthousiastes et encourageants » en ce qui concerne les UEM et s’est engagé à ce que, désormais, les personnes autistes, les familles et les associations aient une place active dans la réorganisation des CRA.
S’il s’est encore peu fait écho des réactions des associations, on pourra citer les déclarations, à l’AFP, de Florent Chapel, porte-parole du Collectif autisme : « C’est ce qu’on attendait depuis 10 ans », qui s’est par ailleurs voulu prudent : « il faut que cette ambition soit financée car ça va être la cohue ».
Prochaine étape pour une meilleure prise en charge de l’autisme dans notre pays, une conférence nationale du handicap qui se tiendra à l’Elysée avec le président de la République fin mai et qui pourrait être l’occasion de nouvelles annonces « plus radicales », comme le demandent certains aidants.
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