Un risque accru d’autisme chez les très grands prématurés (Journal International de Médecine, Dr Jean-Marc Retbi)
Sortis du service de Néonatologie, les grands prématurés [GP] sont suivis d’une façon standardisée, au sein de réseaux. Une prévalence des troubles du spectre autistique [TSA] plus élevée chez eux que chez les enfants nés à terme incite de plus en plus à inclure un dépistage des TSA dans leur suivi.
Dans le cadre d’une évaluation systématique de leur neuro-développement, des prématurés de ≤ 28 semaines sortis du même centre périnatal, ont passé en 2010, aux âges corrigés de 2 ans ou 4 ans, un test de dépistage des TSA, le Modified Checklist of Autism in Toddlers-Follow-up Interview [MCHAT-FI], puis, en cas de dépistage positif, un test de diagnostic des TSA, l’Autism Diagnostic Observation Schedule-Generic [ADOS-G], qui est un outil d’observation semi-structuré des compétences et du comportement des enfants suspects très utilisé en recherche clinique.
Le dépistage des TSA a pu être effectué chez 88 % des enfants de 2 et 4 ans réunis (169/ 192). Le MCHAT-FI a été positif chez 13 % des enfants dépistés (22/ 169). Tous les enfants suspects, sauf un, présentaient un ou plusieurs autres troubles neuro-développementaux (paralysie cérébrale, cécité/ surdité, retard mental, retard de langage, défaut du comportement adaptatif). En analyse multi-variée, le défaut du comportement adaptatif prédisait fortement un TSA (Odds Ratio ajusté = 9,9 ; p < 0,001).
Un module de l’ADOS-G a été administré à 15 des enfants « suspects » (15/ 22), le module 1 à ceux qui ne faisaient pas de phrases (n = 4), le module 2 à ceux qui ne parlaient pas couramment (n = 11). (Les sept autres étaient trop handicapés ou habitaient trop loin pour être testés).
Trois enfants avaient des TSA, ou plus exactement un autisme infantile. A l’ADOS-G, leur score global de « communication + interaction sociale réciproque », calculé par l’algorithme final, était supérieur non seulement au seuil des TSA (7 pour le module 1 ; 8 pour le module 2), mais aussi au seuil de l’autisme infantile (12 pour les modules 1 et 2).
Un argument supplémentaire pour un dépistage systématique des TSA chez les grands prématurés
Ainsi, les TSA ont une prévalence de 1,8 % chez les anciens GP de ≤ 28 semaines inclus dans cette étude. Cette valeur se situe au-dessus de la prévalence des TSA en population générale (< 1 %), mais elle reste bien en dessous des prévalences trouvées chez les ex-GP dans d’autres études (3,6 % à 12,9 %), et elle traduit uniquement des autismes infantiles typiques. D’après les auteurs, l’absence de TSA autres que l’autisme infantile (scores globaux entre les seuils de 7/8 et 12) pourrait s’expliquer par la moindre sensibilité de l’ADOS-G aux scores bas qu’aux scores hauts.
Les douze autres enfants ont eu des scores globaux inférieurs aux seuils des TSA (< 7 pour le module 1, < 8 pour le module 2). Onze d’entre eux présentaient « des traits autistiques » dans au moins deux des quatre domaines explorés par l’ADOS-G, suggérant un trouble infraliminaire de la communication sociale.
Cette étude confirme la prévalence élevée de l’autisme infantile chez les très grands prématurés, ainsi que la co-occurrence de troubles neuro-développementaux chez ceux qui ont un dépistage des TSA positif. Elle constitue un argument supplémentaire en faveur d’un dépistage systématique des TSA au cours du suivi des GP survivants par un questionnaire parental tel que le M-CHAT.
Dr Jean-Marc Retbi