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Exostoses multiples et déficit en sulfate d’héparane. Une maladie osseuse éclaire l’autisme (Dr VÉRONIQUE NGUYEN, Le Quotidien du Médecin N° 9098)

 L’AUTISME (ou les troubles du spectre autistique) est un syndrome cognitif hétérogène, caractérisé par une interaction sociale anormale, des troubles de la communication verbale et non verbale, et des comportements restreints et répétitifs. Il concerne environ un enfant sur 100 à 150.

Si des facteurs génétiques contribuent à l’autisme, la base génétique reste largement inconnue.

Une étude dirigée par le Dr Yu Yamaguchi (Sanford-Burnham Medical Research Institute, La Jolla, Californie) apporte maintenant un nouvel aperçu.

À l’origine de ce travail, une rare maladie génétique de l’os. En effet, il y a quelques années, le Dr Yamaguchi était contacté par la mère d’un enfant atteint de la maladie des exostoses multiples (MME), une maladie causée par une mutation des gènes Ext1 ou Ext2 entraînant un déficit en sulfate d’héparane, et caractérisée par la formation de multiples tumeurs osseuses bénignes. Cette mère, co-fondatrice de la MME Research Foundation, était frustrée par le fait que les experts ne s’occupaient que de l’aspect osseux de la maladie, alors que son expérience et celle d’autres parents suggéraient que certains enfants souffraient également de problèmes sociaux de type autistiques.

Les gènes Ext1 et Ext2 encodent ensemble une enzyme nécessaire a la production du sulfate d’héparane (SH), un polysaccharide (longue chaîne de sucres). Le SH est attaché a des protéines à la surface cellulaire et dans les espaces extra-cellulaires, et il régule divers signaux de surface cellulaire. Ses rôles dans le développement du système nerveux ont été dévoilés, mais sa fonction physiologique dans le cerveau adulte est inconnue.

Pour en savoir plus, le Dr Yamaguchi et son équipe ont éliminé le sulfate d’héparane sur les neurones postnataux chez des souris, en inactivant de façon conditionnelle le gène EXT1 (souris cKO-EXT1).

Ils n’ont pu détecter chez ces souris aucune anomalie morphologique de la cytoarchitecture du cerveau.

Mais, de façon remarquable, ces souris présentent tous les symptômes caractérisant l’autisme, à savoir des déficits dans l’interaction sociale, des troubles de la vocalisation ultrasonique (un substitut pour le langage de la souris), et des comportements répétitifs et stéréotypés.

Ce modèle murin confirme donc ce que les parents des enfants atteints de MME soupçonnaient : la MME peut causer également des troubles autistiques.

L’amygdale en cause.

Avec ce modèle murin de comportement autistique, les chercheurs ont définit la base cellulaire, moléculaire, et physiologique des symptômes.

Ils ont comparé des souris mutantes et des souris normales interagissant avec des souris normales. Une cartographie de l’activation neuronale par méthode d’immunohistochimie c-FOS met en évidence chez les souris mutantes une hypo-activation neuronale dans l’amygdale en réponse à la stimulation sociale. Cela confirme le lien entre l’autisme et l’amygdale, une région du cerveau intervenant dans le processus de mémorisation des émotions et dans le développement des comportements sociaux.

L’analyse des neurones pyramidaux de l’amygdale montre une atténuation de la transmission synaptique excitatrice, vraisemblablement du fait d’une réduction des récepteurs AMPA du glutamate au niveau des synapses.

« Nos résultats démontrent que le sulfate d’héparane est crucial pour le fonctionnement normal des synapses glutamatergiques, et son déficit provoque les déficits socio-communicatifs et les stéréotypies caractéristiques de l’autisme », concluent les chercheurs.

Les implications pour l’autisme en général.

D’autres études ont suggéré que certains sujets autistes pourraient avoir des déficits similaires du sulfate d’héparane. « Quelques études ont comparé le génome des sujets sains et des sujets autistes, et elles ont révélé des différences dans certains gènes liés au sulfate d’héparane », explique le Dr Yamaguchi.

Cette étude, jointe à d’autres, suggère que pour certains sujets autistes (vraisemblablement un faible pourcentage), la maladie pourrait être causée par des mutations dans les gènes encodant les enzymes ou protéines impliquées dans la synthèse du sulfate d’héparane.

De plus, des mutations plus légères ou une répression épigénétique des gènes impliqués dans la synthèse du sulfate d’héparane pourraient accroître la sévérité du trouble chez des sujets porteurs de mutations dans d’autres gènes candidat de l’autisme, selon les chercheurs.

L’équipe compare maintenant l’ADN de sujets autistes et de sujets normaux, à la recherche de mutations dans des gènes impliqués dans la synthèse du sulfate d’héparane.

Irie et coll., Proc Natl Acvad Sci USA, 12 mars 2012.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

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