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Le bumétanide dans l’autisme toujours dans la course chez l’enfant (Dr Véronique Nguyen, Le Quotidien du Médecin)

Une étude menée en Chine chez 83 jeunes enfants confirme le bénéfice du bumétanide dans l’autisme. Elle démontre pour la première fois que l’amélioration est liée à une baisse du neurotransmetteur GABA dans le cerveau, évaluée à l’aide de la spectrométrie par résonance magnétique. Deux essais de phase trois sont en cours, notamment en France, pour confirmer l’efficacité du diurétique dans l’affection neuropédiatrique.

Quel est le mécanisme sous-tendant l’efficacité du bumétanide dans l’autisme ? Des chercheurs chinois, grâce à l’imagerie, confirment, dans la revue du groupe Nature « Translational Psychiatry », les hypothèses avancées ces dernières années.

« Cette étude démontre pour la première fois que le bumétanide améliore la fonction cérébrale et atténue les symptômes de l’autisme en réduisant le taux du GABA (gamma-aminobutyric acid) dans le cerveau, indique dans un communiqué le Pr Ching-Po Lin, neuroscientifique à l’université Yang-Ming à Taïpei (Taïwan) et à l’université Fudan à Shanghai (Chine), qui a codirigé le travail. La compréhension de ce mécanisme représente une étape majeure vers le développement de nouveaux traitements médicamenteux efficaces ».

L’autisme est un trouble neuro-développemental qui touche un enfant sur 160. Il se manifeste par des troubles de la communication sociale, des centres d’intérêt restreints de façon variable et des comportements répétitifs. Il peut être diagnostiqué à l’âge de deux ans, voire dès 18 mois. Aucun médicament n’est disponible pour améliorer les symptômes clés et la prise en charge repose sur des thérapies comportementales.

L’hypothèse de l’inhibition du GABA

Le bumétanide est un diurétique de l’anse utilisé dans l’insuffisance cardiaque et dans les décompensations avec œdème. Son intérêt dans l’autisme vient des travaux du Pr Yehezkel Ben-Ari, chercheur à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée (INMED) à Marseille. Des taux intraneuronaux élevés en chlore ont été constatés dès la naissance dans des modèles murins d’autisme. Or, le bumétanide, un inhibiteur du transporteur NKCC1, diminue la concentration intraneuronale élevée en chlore et atténue la sévérité de l’autisme dans des modèles animaux. L’échec du changement d’activité GABA peu après la naissance – c’est-à-dire du mode excitateur durant la vie fœtale et post-natale précoce vers le mode inhibiteur ensuite – pourrait jouer un rôle dans l’autisme en affectant le développement et la maturation des neurones.

Une recherche clinique née en France

Deux essais de phase 2 chez des enfants autistes, qui ont été menés par la société Neurochlore fondée en 2011 par le Pr Ben-Ari, ont montré des résultats encourageants du bumétanide sur plusieurs symptômes clés de l’autisme. En 2017, le laboratoire Servier et Neurochlore ont signé un accord de license pour développer la molécule dans l’autisme de l’enfant en Europe.

Ici, l’étude menée par le Dr Zhang porte sur 83 jeunes enfants âgés de trois à six ans, randomisés en deux groupes : l’un traité par bumétanide (0,5 mg 2 fois par jour) pendant trois mois, l’autre (groupe témoin) ne recevant aucun traitement. Les résultats confirment l’efficacité du bumétanide pour réduire la sévérité des symptômes clés de l’autisme. Le score CARS (pour Childhood Autism Rating Scale) était de 34 en moyenne après traitement, comparé à 37 dans le groupe témoin, sachant qu’un score supérieur à 30 définit l’autisme. La tolérance rapportée était bonne.

Le rapport GABA/glutamate, un biomarqueur

En outre, l’imagerie (spectrométrie par résonance magnétique) de deux régions clés du cerveau, à savoir le cortex insulaire (impliqué dans l’émotion, l’empathie et l’auto-conscience) et le cortex visuel, montre que l’efficacité est associée à une réduction du rapport GABA/glutamate. Ce rapport pourrait ainsi servir de biomarqueur pour évaluer l’efficacité du traitement.

De plus, indépendamment de la sévérité des symptômes, un rapport GABA/glutamate initialement bas est associé à une plus grande amélioration clinique après traitement. « Ces résultats sont très prometteurs et ils suggèrent que nous pourrions utiliser le biomarqueur pour identifier les enfants autistes qui bénéficieront le plus du bumétanide », estime l’un des auteurs, le Pr Qiang Luo de l’université de Fudan, tout en précisant que des études plus larges doivent confirmer l’efficacité.

En 2018, deux essais internationaux de phase 3 ont été lancés par Servier, y compris dans neuf centres français et au total sur 400 enfants autistes, âgés de deux à sept ans dans le premier, et de 7 à 18 ans pour le second. Les résultats sont attendus d’ici à 2021.

L. Zhang et al., Translational Psychiatry, 10.1038/s41398-020-0692-2, 2020

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