Autisme : de nouvelles recommandations de la HAS (Aurélie Haroche, Journal International de Médecine)
Paris, le lundi 19 février 2018 – Régulièrement, les manquements concernant en France la prise en charge des personnes présentant un trouble du spectre autistique (TSA) sont épinglés. Dernier exemple en date : la Cour des Comptes a fin janvier regretté des efforts insuffisants pour améliorer la situation des patients. Cependant, comme les magistrats le reconnaissaient eux-mêmes, une véritable volonté de changement est constatée depuis plusieurs années au sein des institutions publiques. Des plans spécifiquement dédiés à l’autisme se sont ainsi succédés (et le quatrième est en cours d’élaboration) et de nouvelles recommandations, tentant notamment (sans parfaitement y parvenir) de répondre aux situations conflictuelles entraînées par la prise en charge de ces troubles, ont été publiées.
Laissé de côté
La Haute autorité de santé (HAS) a ainsi établi plusieurs recommandations concernant les pratiques professionnelles, dont les deux derniers éléments sont aujourd’hui rendus publics. Cette présentation s’accompagne d’une tribune rédigée par la présidente de la HAS, le professeur Dominique Le Guludec, ce qui signe l’importance accordée au sujet. Les premiers travaux, essentiels, concernent le sort des autistes adultes, dont les difficultés majeures ont été rappelées fréquemment et encore une fois par la Cour des Comptes. « L’accompagnement des personnes adultes a trop longtemps été laissé de côté alors que le respect de leurs droits impose de penser les moyens de leur inclusion dans la société » reconnaît Dominique le Guludec.
L’hôpital n’est pas un lieu de vie
L’abandon dont pâtissent les autistes adultes concerne jusqu’à l’épidémiologie : « Si le chiffre de 600 000 adultes autistes est parfois avancé pour estimer la prévalence en France, aucune donnée épidémiologie n’existe à ce jour » admet ainsi la HAS. Il est cependant certain que les 7 000 places en établissement médico-social sont notoirement insuffisantes, d’autant plus que pour l’heure l’inclusion en milieu ordinaire est quasiment inexistante. Le développement de méthodes favorisant la vie en milieu en ordinaire est au centre des recommandations de la HAS. Cette dernière donne différents exemples : « services d’aide à la personne ou d’accompagnement à domicile, accompagnement en milieu professionnel ». Elle préconise encore le soutien à des cadres de vie différents : « habitats groupés avec accompagnements et services multiples, unités de vie de 5/6 personnes. Enfin, il faut rappeler que l’hôpital n’est pas un lieu de vie, mais un lieu de passage où la personne reçoit des soins pour des pathologies somatiques ou des troubles psychiatriques associés », insiste la HAS.
Une vie aussi normale que possible et en tout cas meilleure
Pour réussir l’inclusion en milieu ordinaire, un accompagnement individualisé, tenant compte des évolutions au cours de la vie, s’appuyant sur les « acquis » et compétences des personnes, est essentiel. Les professionnels impliqués (éducatifs, de santé, sociaux) ont un rôle complexe, qui nécessitent probablement « un travail de collaboration en réseau au niveau local ». L’objectif est de mettre en place un « projet d’interventions » recensant différentes actions. En s’appuyant sur les retours de terrain dont elle a pu prendre connaissance grâce à la consultation publique, la HAS liste : « ateliers d’apprentissage, mises en situation réelles, (…) activités à réaliser en autonomie ». Les objectifs de ces différentes actions sont multiples : « favoriser la communication orale, écrite ou par d’autres supports de communication, aider aux interactions sociales pour favoriser l’autonomie et la socialisation (…) aider la personne à appréhender ses particularités sensorielles ». Néanmoins, l’inclusion et l’autonomie ne peuvent être accessibles à tous, comme le reconnaît la HAS dont la directrice relève néanmoins : « Sans tomber dans l’angélisme ni empêcher le débat d’idées, nous devons unir nos efforts au profit d’une amélioration effective de la qualité de vie des personnes autistes ».
Une prise en charge des troubles somatiques à améliorer
L’autre volet de ces recommandations concerne le respect des droits des personnes autistes et la nécessité de les associer à l’ensemble des décisions les concernant, dès que cela est possible. Dans cette optique, la HAS insiste également sur une meilleure détection des troubles somatiques, fréquemment à l’origine de la détérioration de l’état psychique et cognitif des personnes autistes mais souvent diagnostiqués tardivement. Pour répondre à cet écueil, la HAS préconise : un « bilan de santé doit être effectué une fois par an au moins et lors d’un changement de comportement soudain ».
Fruits d’un long travail et s’appuyant notamment sur une large concertation, ces recommandations satisfont aujourd’hui l’association Autisme France, qui insiste sur le fait qu’elles « induisent des changements majeurs à opérer dans le champ social et médico-social : (…) ainsi mener des évaluations fonctionnelles suppose d’avoir des psychologues du développement formés en nombre suffisants. La formation des éducateurs spécialisés est à revoir pour que ces professionnels puissent mettre en œuvre des interventions en lien avec les besoins des adultes autistes ».
Repérage précoce : peut encore mieux faire
Les secondes recommandations de la HAS concernent le repérage précoce de l’autisme. En la matière des progrès ont été réalisés : en 2005, le diagnostic n’était quasiment jamais posé avant l’âge de 24 mois ; désormais des diagnostics sont fréquemment établis dès 18 mois. Cependant, les enfants autistes restent majoritairement diagnostiqués « trop tardivement, en moyenne entre 3 et 5 ans » remarque la HAS. Or, si le diagnostic de l’autisme est complexe, notamment parce qu’il peut être « confondu avec différents troubles pouvant altérer la communication sociale et les interactions d’une façon similaire » et parce que ces troubles revêtent des formes très différentes, un certain nombre d’enfants pourrait néanmoins être repéré plus précocement.
A l’écoute des familles
Pour ce faire, une alliance de l’ensemble des acteurs doit être mise en œuvre, unissant les professionnels de santé (lors des fréquents bilans de la petite enfance, le « médecin doit systématiquement s’intéresser à la communication mais aussi à la motricité de l’enfant », rappelle la HAS), les personnels éducatifs et les parents. Concernant ces derniers, alors que trop de témoignages continuent à évoquer des paroles culpabilisatrices entendues par les familles, la HAS insiste : « L’inquiétude que peuvent manifester les parents concernant le développement de leur enfant ne doit jamais être minimisée, mais systématiquement écouté et prise en compte ».
Des signes qui doivent alerter
La HAS évoque également les signes qui doivent nécessairement alerter : « absence de babillage, de pointage à distance avec le doigt ou gestes sociaux (coucou, au revoir) avant 12 mois, de mots à 18 mois et au-delà, d’association de mots à 24 mois et au-delà » énumère-t-elle. « Aucun de ces signes pris de façon isolée n’a de valeur prédictive, mais l’association d’au moins deux signes nécessite un examen clinique approfondi du développement de l’enfant », complète l’institution. La confirmation d’une suspicion d’autisme doit orienter vers une consultation spécialisée. Ces services connaissant encore des délais d’attente assez longs (six mois, voire un an), le praticien peut proposer « des examens ORL et ophtalmologique, des bilans orthophoniques et du développement moteur pour une première évaluation des besoins de l’enfant et si nécessaire de première interventions ». La HAS signale encore l’importance de réaliser des fréquentes réévaluations dans le temps.
Polémiques dans l’ombre
A la différence de précédentes recommandations, ces dernières gardent leurs distances avec les conflits qui depuis toujours accompagnent la prise en charge de l’autisme. L’insistance sur la bienveillance à observer vis-à-vis des parents inquiets ainsi que la nécessité d’éviter les hospitalisations de longue durée pour les adultes seront cependant remarquées, tandis que dans sa tribune, Dominique Le Guludec estime que l’amélioration de la qualité de vie des personnes autistes « nécessite de dépasser les querelles pour concentrer les énergies à renforcer l’accès à un diagnostic précoce et à déployer rapidement des interventions personnalisées, adaptées et réévaluées tout au long de la vie ». De son côté, France Autisme, concernant plus particulièrement les adultes rappelle et souligne en gras dans son communiqué : « La contention et l’isolement n’ont aucune justification ni dans le sanitaire, ni dans le médico-social ». Ces recommandations seront en tout état de cause des éléments centraux du futur et très attendu quatrième plan autisme.
Recommandations de la HAS concernant les autistes adultes : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2828597/fr/autisme-de-l-adulte-tout-mettre-en-oeuvre-pour-l-autonomie-l-inclusion-sociale-et-la-qualite-de-vie
Recommandations de la HAS concernant le repérage précoce : https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2829131/fr/autisme-de-l-enfant-accelerer-les-etapes-jusqu-au-diagnostic-agir-sans-attendre
Aurélie Haroche