Epilepsies du jeune enfant : qu’apportent les tests génétiques? (Dr Jean-Marc Retbi, Journal International de Médecine)
Plus de la moitié des épilepsies infantiles n’ont pas de cause identifiée. Cette assertion repose avant tout sur les résultats des examens de neuro-imagerie et métaboliques. Elle pourrait être modifiée par une pratique plus large des tests génétiques dans les épilepsies qui débutent avant l’âge de 3 ans.
En 38 mois, 17 centres spécialisés des USA ont diagnostiqué une épilepsie chez 775 enfants de 0 à 3 ans. AT Berg et coll. ont construit une base de données à partir des dossiers de ces enfants (1).
Au plan électro-clinique, 35 % des enfants présentaient des spasmes, 8 % d’autres syndromes et 57 % des épilepsies non syndromiques. Au plan étiologique, à l’issue des examens de neuro-imagerie et métaboliques, un tiers des épilepsies reconnaissait une cause précise : lésions cérébrales acquises (n = 95), dysplasies corticales focales (n = 21), malformations et anomalies cérébrales (n = 91), sclérose tubéreuse de Bourneville (n=20), autres syndromes neuro-cutanés (n = 12), maladies métaboliques (n = 16), syndromes dysmorphiques (n = 45), divers (n = 29) ; près de deux tiers restaient « inexpliqués ».
L’étude dresse l’état de la pratique des tests génétiques et de leur rendement dans les 680 épilepsies qui n’étaient pas dues à des lésions cérébrales acquises : 234 de cause reconnue, et 446 inexpliquées – dont 122 avec un retard de développement.
Un ou plusieurs tests génétiques ont été pratiqués dans 48 % de ces épilepsies, jusqu’à 1 an après le diagnostic (327/680). Ils comprenaient le caryotype (59 tests), l’analyse chromosomique par puce à ADN (188 tests), le séquençage d’un panel de gènes de l’épilepsie (114 tests), le séquençage entier de l’exome ou WES (33 tests), ainsi que des tests de gènes mitochondriaux et des tests ciblant les gènes de diverses affections (par ex. la sclérose tubéreuse de Bourneville, la lissencéphalie). Leur taux d’utilisation s’élevait à 76 % dans les épilepsies inexpliquées qui s’accompagnaient d’un retard de développement (93/122). Les enfants avec une épilepsie inexpliquée avaient une plus grande probabilité de bénéficier de tests génétiques s’ils avaient moins de 1 an, présentaient un retard de développement net ou faisaient des spasmes.
Rendement global de 40 %
Les tests génétiques ont eu un rendement global de 40 % ; ils ont permis de confirmer ou d’affirmer 132 affections, dont 44 avant le début de l’épilepsie (par ex. une trisomie 21) et 88 dans le cadre du bilan initial ou au cours de la 1ère année de suivi. Leur rendement était ≥ 25 % dans les épilepsies de cause reconnue, sauf dans les dysplasies corticales focales où il était nul. Il était de 26 % dans les épilepsies inexpliquées (un peu plus avec un retard de développement, un peu moins sans retard de développement). Les tests basés sur un séquençage à haut débit de l’ADN, panel de gènes et WES, étaient plus informatifs que les puces à ADN, basées sur une hybridation génomique.
Au total, chez les jeunes enfants testés, les tests génétiques ont été informatifs dans 40 % de toutes les épilepsies et environ 25 % des épilepsies « inexpliquées », le panel de gènes et le WES possédant le meilleur rendement.
L’étude a pour principale limitation la prescription des tests à la discrétion des cliniciens. Cependant, elle suggère que la génétique, malgré son coût actuel, devrait occuper une place similaire à la neuro-imagerie et à la biochimie dans le bilan étiologique d’une épilepsie débutant précocement. Ainsi que le disent ses auteurs et l’éditorialiste (2), elle peut mettre un terme à « l’odyssée diagnostique » d’un certain nombre d’enfants épileptiques et déboucher sur une prise en charge plus adaptée, un conseil génétique et un diagnostic prémorbide dans la fratrie. Elle pourrait aussi être utilisée pour stratifier les patients dans des essais thérapeutiques.
Dr Jean-Marc Retbi