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Gérer « l’alimentation émotionnelle » chez l’enfant, le rôle des parents (Dr Boris Hansel dans le Journal International de Médecine du 30/05/2015)

L’alimentation émotionnelle peut être définie comme une prise alimentaire en réponse à des émotions négatives telles que l’anxiété, la dépression, la colère ou un sentiment de solitude. Chez les adultes elle est associée à une consommation plus importante de produits sucrés, salés et de forte densité énergétique. En outre, elle est certainement une cause importante d’excès pondéral. L’installation d’un comportement alimentaire dirigé par les émotions semble précoce dans la vie et le rôle des parents semble majeur. Notamment, l’utilisation des aliments comme objet de consolation ou de récompense, ou encore la pression exercée sur l’enfant pour qu’ils consomment certains aliments pourrait induire un « comportement alimentaire émotionnel ».  La plupart des données sur ce sujet sont issues d’études observationnelles transversales, ce qui limite la portée des conclusions.

Des chercheurs anglais ont mis au point une méthode originale pour provoquer une émotion chez des enfants en laboratoire, et tester son influence sur la prise alimentaire. Après avoir effectué des travaux préliminaires, ils ont affiné la procédure et l’ont utilisée pour répondre à deux question : (1) la prise alimentaire des enfants de 5 à 7 est-elle influencée par une émotion provoquée ? (2) Cette influence dépend-elle de leur éducation nutritionnelle antérieure ?

Une expérimentation originale

Des couples parent-enfant (n = 41) ont participé à cette étude. Ils étaient éligibles si l’enfant était âgé de 2 à 5 ans lors de la première évaluation (premier temps) et s’il ne présentait pas de pathologie particulière. Une batterie d’auto-questionnaires était administrée au parent. Ils concernaient les habitudes alimentaires, en particulier l’utilisation des aliments comme objet de récompense ou de gestion des émotions. Une attitude de restriction alimentaire pour des raisons de santé ou pour le contrôle du poids ainsi que la mise d’une certaine pression pour que l’enfant mange étaient également détectés à l’aide des questionnaires. Deux ans plus tard (deuxième temps), les enfants étaient soumis en laboratoire (avec l’accord d’un comité d’éthique…) à un repas standard copieux « à volonté ». Leur humeur était évaluée par des échelles visuelles (choix de smiley correspondant le plus à leur ressenti). Un cadeau de leur choix leur était promis s’ils accomplissaient un dessin en couleur avec des crayons fournis. Dans le groupe expérimental (tiré au sort) les enfants se rendaient compte, juste avant d’avoir fini leur dessin, qu’il leur manquait le crayon indispensable pour le terminer ! Leur humeur était à nouveau évaluée et des aliments (chocolat, pain, aliments croustillants…) leur étaient proposés à volonté. Les ingesta étaient évalués avec précision. Au bout de 4 minutes, le crayon manquant leur était fourni. Ils pouvaient donc terminer leur dessin et recevoir leur cadeau !  Les enfants du groupe témoin subissaient la même épreuve mais aucun crayon ne leur était caché. Ils n’étaient donc pas soumis à une quelconque frustration.

Prise alimentaire plus importante pour les enfants frustrés mais l’attitude des parents joue un rôle

Cette expérimentation s’est soldée par trois résultats principaux. Tout d’abord, les auteurs ont confirmé l’efficacité de leur procédure pour induire une émotion  négative (grâce au retrait du crayon), quantifiable par une échelle visuelle adaptée à l’enfant. En outre,  la prise alimentaire a été significativement plus forte dans le groupe ayant subi la frustration, comparativement aux témoins. Surtout, les auteurs montrent une relation entre l’éducation alimentaire évaluée deux ans plus tôt (premier temps de l’étude) et l’impact de l’émotion induite en laboratoire au deuxième temps sur la prise d’aliments : chez les sujets du groupe expérimental, les enfants dont les parents utilisaient deux ans auparavant l’alimentation comme objet de récompense consommaient plus de calories que les autres quand ils étaient soumis à la « frustration du crayon ». Une observation similaire est décrite concernant la restriction alimentaire pour des raisons de santé.

Les chercheurs ne mentionnent pas l’effet des autres  attitudes parentales (pression exercée sur l’enfant pour la prise alimentaire, restriction pour le contrôle du poids), probablement en raison de résultats discordants ou de données manquantes. Dommage que ce ne soit pas précisé !

Sur le plan pratique, cette étude, avec sa méthodologie inédite, montre l’impact de l’éducation alimentaire sur l’alimentation émotionnelle des enfants. Des recommandations aux parents sur l’attitude à adopter vis-à-vis de l’alimentation et de son utilisation comme objet de récompense ou de gestion des émotions, en particulier face à leurs enfants, pourraient faire partie d’un plan de prévention de l’obésité.

Dr Boris Hansel

Article rédigé dans le cadre de la rubrique nutrition, soutenue par Lesieur. Le choix des sujets et la ligne éditoriale sont sous l’entière responsabilité du JIM.

RÉFÉRENCES
Farrow CV, Haycraft E, Blissett JM : Teaching our children when to eat: how parental feeding practices inform the development of emotional eating-a longitudinal experimental design.
Am J Clin Nutr. 2015; 101: 908-13. doi: 10.3945/ajcn.114.103713.

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