Transidentité, autisme et autres troubles du neurodéveloppement chez les mineurs : d’abord ne pas nuire (tribune parue dans Journal International de Médecine)
Paris, le samedi 25 février 2023 – Ces derniers mois, la question de la prise en charge des enfants présentant une dysphorie de genre a suscité des controverses. Rappelant les ravages de la transphobie, beaucoup insistent sur l’importance d’entendre la parole exprimée par les enfants et les adolescents et de les accompagner dans leur transition, y compris via des traitements de blocage de la puberté ou des traitements hormonaux. D’autres, cependant, alertés par quelques cas de jeunes gens dont le cheminement les a finalement conduits à ne plus souhaiter changer de genre, inquiets d’une prise en charge trop précoce qui ne tiendrait pas assez compte de la fragilité de certains adolescents, ont appelé à la prudence. Mais ces préconisations ont parfois été considérées comme des manifestations de transphobie. Dès lors, sur ce sujet très délicat, la parole est complexe. Cependant, face à l’augmentation des demandes et alors que les enfants atteints de troubles du spectre autistique ou de troubles du neurodéveloppement seraient particulièrement concernés, des praticiens et des responsables d’associations ont décidé de prendre la parole dans une tribune publiée dans nos colonnes ainsi que dans Le Point.
Par un collectif (voir signatures ci-dessous)
Depuis une dizaine d’années, nous constatons, d’abord dans les pays anglo-saxons et plus récemment, en France, une très forte augmentation du nombre de personnes se déclarant transgenres : souvent des jeunes filles, de manière soudaine à l’adolescence sans signe apparent durant l’enfance, un phénomène qualifié « d’allure épidémique » par l’Académie de médecine.
Nous nous réjouissons que l’augmentation de la visibilité des personnes trans leur permette une meilleure reconnaissance et une réduction des discriminations à leur encontre. Cependant, nous sommes inquiets de la surreprésentation de jeunes autistes et TDAH se déclarant transgenre et souhaitant faire une transition.
Les jeunes TND (Troubles du neurodéveloppement) plus vulnérables !
Les problématiques sensorielles, l’anxiété sociale, le sentiment de décalage par rapport à la dimension sociale de la sexualité, la tendance à imiter autrui de manière formelle, la fréquente indifférence aux stéréotypes sociaux sexuels, tous phénomènes typiques de l’autisme, peuvent être interprétés comme des signes de transidentité (voir le rapport autisme et identité de genre de J. Galloway, personne autiste). Les jeunes autistes sont fréquemment isolés socialement alors que, comme tout un chacun, ils éprouvent un besoin d’appartenance à un groupe : cet isolement, souvent couplé à une non-conformité de genre (fréquente chez les personnes TSA), les rend très sensibles à la communauté trans dans laquelle ils peuvent se sentir acceptés et valorisés dans leur différence, sans avoir toutes les clefs pour décoder que la démarche les conduit à des transformations physiques irréversibles.
Démarche Trans affirmative ? D’abord ne pas nuire
Nous sommes alertés par le fait que des professionnels suivent une démarche trans affirmative en 1re intention : permettre à tous ceux qui en font la demande (y compris des mineurs) d’accéder aux traitements hormonaux et chirurgicaux le plus tôt possible, sans suivi psychothérapeutique, sans forcément prendre en compte les troubles fréquemment associés, comme bien souvent l’autisme ou un TDAH.
Nous remettons en question cette approche trans affirmative chez des mineurs, étant donné :
- que des présentations complexes amènent à de nombreux parcours possibles, comme le souligne le Dr Cass dans son examen indépendant sur les services d’identité de genre commandé par le National Health Service anglais. Il est risqué de soumettre des mineurs à une transition médicale en raison d’une détresse psychologique qui peut trouver son origine dans plusieurs autres types de problèmes sous-jacents ;
- que la formation de l’identité chez les jeunes est un processus évolutif ; l’incongruence de genre apparaissant dans l’enfance se résout souvent naturellement à l’âge adulte ;
- que les troubles et conditions fréquemment associés à une incongruence de genre tels que l’autisme, le TDAH ou l’anorexie, ne sont pas assez pris en compte : comme le souligne le Pr Gillberg dans un courrier collectif adressé au ministère suédois de la santé en novembre 2018, « Il ne peut être exclu qu’une investigation, un traitement et une stabilisation appropriés de ceux-ci réduiraient ou élimineraient complètement la nécessité d’une transition médicale pour un nombre important de personnes » ;
- que les examens des données probantes commandés par la Suède, l’Angleterre, la Finlande, sur les bloqueurs de puberté et hormones d’affirmation de genre, concluent toutes que la base de preuves est de très faible qualité, appelant à la nécessité de peser soigneusement les avantages à faible certitude par rapport aux risques importants de ces interventions. Ce qui a amené ces pays et certains États américains à revoir le parcours de soins pour aller dans le sens de la prudence ;
- que, comme le souligne l’Académie de médecine, de plus en plus de personnes regrettent leur transition, ou détransitionnent : des études concluent que pour une partie d’entre elles, leurs problèmes ne proviennent pas d’une transidentité, ces personnes estimant également n’avoir pas été suffisamment informées des implicationsdes traitements et de la chirurgie sur leur santé.
Pour toutes ces raisons, nous demandons à ce qu’un soutien psychosocial qui aide le jeune à vivre avec le développement pubertaire de son corps sans médicaments soit la première option dans son parcours de soins, tout comme le préconisent la Suède, l’Angleterre ou la Finlande. Comme le mentionne le Pr Gillberg, qui a alerté en 2019 sur les traitements expérimentaux d’affirmation de genre, il est fréquent que ces jeunes autistes « aient encore plus de problèmes d’identité à la puberté – qui suis-je ? Comment dois-je me comporter ? Que vais-je devenir ? Suis-je hétéro ? » – que la moyenne des jeunes. Souvent, le diagnostic d’autisme et/ou de TDAH arrivent des mois après que le jeune ait commencé à se questionner sur son genre : toutes ses pensées tournent généralement en boucle sur comment transitionner le plus vite possible, encouragé par la communauté, ne vivant plus que pour cela. Alors qu’un diagnostic précoce lui aurait donné des clés pour mieux comprendre son fonctionnement, et peut-être pour accepter son corps tel qu’il est.
Quoi qu’il en soit, nous pensons qu’il est important d’accepter l’enfant tel qu’il est, et de voir ce qu’il se passera quand il grandira, en l’accompagnant, avec une approche globale et développementale.
Nous considérons que les soins d’affirmation de genre doivent être réservés à des adultes présentant une dysphorie de genre résistante, qui les empêche de vivre. Et qu’ils doivent être proposés de manière exceptionnelle chez les enfants, dont l’identification claire du sexe opposé apparaît dans l’enfance et cause des souffrances évidentes à l’adolescence.
Alors que la Haute Autorité de Santé est en train d’élaborer des recommandations sur le parcours de soins des personnes transgenres, nous nous étonnons qu’elle n’ait pas jugé utile de consulter des spécialistes de l’autisme et autres troubles du neurodéveloppement, connaissant pourtant la surreprésentation des personnes autistes et TDAH parmi les jeunes se déclarant transgenres.
Nous appelons le Gouvernement à la plus grande vigilance sur le fait que ces recommandations prennent en compte les examens des données probantes des pays précurseurs, sur la base des données scientifiques disponibles, absentes de toute idéologie, fondées sur les preuves, et respectant l’éthique de la médecine.
Pour en savoir plus :
→ document détaillé et sourcé sur le contexte et les enjeux de cette problématique
Signatures (dans l’ordre chronologique) :
Professionnels et associations
Association AFG Autisme | André Masin, président | |
EDI formation | Danielle Artuso, directrice | |
Tdah France | Christine Getin, présidente | |
Personnes Autistes pour une Autodétermination Responsable et Innovante | Conseil collégial et membres fondateurs | |
Autisme en Ile de France | Jean-Marc Monguillet, Président | |
Autistes Sans Frontières | Isabelle Rolland, co-présidente | |
Asperger Aide France | Hélène Hardiman Taveau, présidente | |
Association Autisme Info Service | Florent Chapel, Président | |
L’étoile d’Asperger | Catherine Pivolos | |
Café autisme | Association de parents et de personnes TSA | |
Vivre Et Travailler Autrement | Association de parents et de personnes TSA, présidée par Yenny Gorce | |
Cécile Coudert | Psychologue Neuropsychologue spécialisée en Trouble du spectre de l’Autisme (TSA) & troubles neurodéveloppementaux (TND) | |
Eric Turon Lagot | Psychologue, Psychothérapeute | |
Dre Karina Alt | Anthropologue, Analyste du comportement certifiée | |
Bernadette Rogé | Professeur Emérite Université Toulouse | |
Lilia Sahnoun | Psychiatre | |
Lydie Gibey | Psychologue | |
Esteve Freixa i Baqué | Professeur des Universités en Sciences du comportement | |
Boris Guimpel | Psychologue, psychothérapeute TCC et sexologue | |
Eric Lemonnier | Pédopsychiatre en charge du centre de ressources autisme du limousin | |
Jean-Christophe Seznec | Médecin psychiatre, thérapeute ACT | |
Valérie Toutin | Responsable qualité et développement au sein d’un organisme de formation et ancienne cheffe de projet du troisième plan autisme au sein du Secrétariat général du Comité Interministériel du Handicap | |
Nouchine Hadjikhani | Professeur, Gillberg Neuropsychiatric Center, Université de Gothenburg, Suède | |
Laëtitia Coilliot | Personne autiste, formatrice PRAG à l’INSHEA, membre de Parents et professionnels pour l’autisme en Île-de-France (PEPA) | |
Elisabeth Baudoing | Attachée administration Éducation. Nale. Retraitée | |
Approche Globale Autisme | Corinne Baculard, présidente |