Coup d’envoi des Assises de la Santé Mentale:revalorisation et reconnaissance en ligne de mire (Coline Carré , Le Quotidien du Médecin)
Valoriser les métiers, obtenir des moyens, réduire les inégalités d’accès aux soins et améliorer la lisibilité des parcours : telles sont les attentes que les professionnels et le grand public nourrissent à l’égard des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. Promises dès janvier par Emmanuel Macron, elles se sont ouvertes ce 27 septembre et seront clôturées ce 28 septembre par le président de la République lui-même, qui devrait faire des annonces, a priori sur le remboursement de consultations de psychologues.
En amont, les acteurs de la santé mentale, soignants mais aussi usagers et familles, ont pu faire part de leurs desiderata, en répondant à une consultation publique en ligne, entre le 10 et le 31 mai dernier. Plus de 15 000 réponses ont été reçues, dévoilées en introduction de ces assises, par le Pr Michel Lejoyeux, président de la commission nationale de psychiatrie et le Dr Radoine Haoui, responsable du groupe opérationnel de la psychiatrie. « La spécificité de cette enquête est qu’elle s’appuie sur l’ensemble des intervenants », a fait valoir le Pr Lejoyeux, appelant plus largement à faire de la réflexion commune entre acteurs qui s’ignorent, le fil rouge de ces assises.
Crise de l’attractivité et moyens
Près de 60 % des professionnels (psychiatres pour un quart d’entre eux, psychologues dans la même proportion, puis paramédicaux, direction, etc.) citent comme première attente la revalorisation des métiers de la psychiatrie. Ils sont plus de la moitié à demander de nouveaux moyens humains ou financiers et le renforcement des moyens existants pour répondre aux besoins de la population.
Plus de 40 % attendent aussi de ces assises une meilleure reconnaissance de leur profession, et plus largement, de la santé mentale dans le débat public. Selon près de 60 % des professionnels sondés, leur exercice est de moins en moins attractif ; seulement 9 % le jugent plus intéressant. « Voir autant de jeunes collègues quitter la profession, pourtant riche et diverse dans ses approches, est une vraie inquiétude ! », a souligné le Dr Haoui.
En matière de priorités, spécialistes et grand public (essentiellement des proches ou des usagers) se rejoignent pour citer l’amélioration de l’accès aux soins, dans tous les territoires, et pour toutes les populations, ainsi que la précocité des prises en charge. « Comme pour toutes les spécialités en médecine, plus on arrive tôt, mieux c’est », observe le Pr Lejoyeux. Les patients et les familles promeuvent aussi une meilleure insertion sociale des personnes et insistent davantage que les soignants sur la nécessité d’une meilleure lisibilité de l’offre de soins, 60 % se plaignant d’être mal informés. « Nos disciplines restent mystérieuses, on en est encore sur des représentations asilaires du psychiatre », a commenté le Pr Lejoyeux.
Enfin, les adolescents sont cités comme des profils à prendre en charge en priorité, ainsi que les personnes souffrant de troubles ou de handicaps psychiques.
« Je m’étonne que les addictions ne figurent pas au rang des priorités, guère plus que la santé somatique », a commenté le Pr Frank Bellivier, délégué ministériel à la Santé mentale et à la psychiatrie.
Lancement du numéro national de prévention du suicide
Les annonces d’Emmanuel Macron et sa présentation d’un « plan d’urgence » (selon l’invitation presse) ce 28 septembre seront-elles à la hauteur des attentes ? Ces assises ne seront « ni un barnum, ni un café philo, il y aura des annonces concrètes », a assuré en ouverture le ministre de la Santé Olivier Véran.
En attendant, ce dernier a d’ores et déjà annoncé que le numéro national de prévention du suicide, promis en juillet 2020 dans le cadre du Ségur de la santé, entrera en fonctionnement de vendredi 1er octobre. « Gratuit, accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, depuis tout le territoire national, ce numéro permettra d’apporter une réponse immédiate aux personnes en détresse psychique et à risque suicidaire », a-t-il déclaré. Ce nouveau numéro vert doit compléter VigilanS, le système de rappel et de suivi des personnes ayant fait une tentative de suicide créé en 2015 dans les Hauts-de-France.
À ce jour « déployé dans 12 régions métropolitaines sur 13 et dans deux régions d’outre-mer, il le sera dans l’ensemble des régions avant la fin de cette année », a promis le ministre, précisant que « près de 15 000 patients » ont été inclus dans ce dispositif en 2020 et déjà « 10 000 début juin de cette année ». Le programme des premiers secours en santé mentale devrait aussi être étendu dans 16 universités contre 4 aujourd’hui, d’ici à la fin de l’année, pour atteindre l’objectif de 5 000 secouristes.
Olivier Véran a enfin précisé que le décret d’application sur la réforme du financement de la psychiatrie devrait paraître cette semaine, pour une entrée en vigueur l’année prochaine.