Troubles psys, handicap : alternatives aux hospitalisations et évolution des mentalités sont indispensables pour lutter contre les privations de liberté (Coline Garré, Le Quotidien du Médecin)
Quelque 200 000 personnes en France se voient privées d’une partie de leur liberté, en raison de troubles psychiatriques ou d’un handicap. Une meilleure information, davantage de soutien pour ces personnes et leur entourage, le développement d’alternatives à l’hospitalisation et un changement de regard social et politique sur le handicap devraient pouvoir réduire ces privations, suggère une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes).
Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), une personne est en situation de privation de liberté lorsqu’elle n’a pas donné son consentement libre et éclairé pour séjourner dans un lieu ou une institution fermée. Concrètement, 120 000 résidents atteints de déficiences intellectuelles ou de troubles psychiques des foyers d’accueil médicalisés (FAM) ou maisons d’accueil spécialisées (MAS) et 80 000 personnes hospitalisées sans leur consentement en psychiatrie (selon les chiffres de 2018) pourraient se retrouver dans ces situations, contraires à l’article 14 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, lit-on. Cette convention stipule qu’en aucun cas, un handicap ne saurait justifier une privation de liberté.
Sur la base d’une vingtaine d’entretiens, l’équipe de Magali Coldefy (spécialiste de ces sujets) a cherché à comprendre les raisons de ces mesures – mieux reconnues en psychiatrie, en raison d’unencadrement médico-légal d’ailleurs en plein changement – afin d’identifier les leviers pour améliorer les pratiques.
Éducation thérapeutique et directives anticipées en psychiatrie
Le placement en établissement médico-social et l’hospitalisation en psychiatrie apparaissent souvent comme un « non-choix », ou « le choix du moindre pire », vécus avec résignation, notamment par les familles qui y sont souvent à l’origine. Parmi les multiples raisons qui y conduisent, sont souvent évoqués une rupture dans le parcours des personnes, un manque de soutien des familles qui n’en peuvent plus, ou encore une crise qui ne trouve pas de réponse adaptée.
Les auteures suggèrent donc de renforcer l’information des personnes concernées et de leur entourage en amont, de favoriser les groupes entre pairs ou familles, et de développer des programmes d’éducation thérapeutique ou de psycho-éducation pour éviter les crises. Pour mieux gérer ces crises, elles reprennent l’idée du Contrôleur général des lieux de privation de liberté de mettre en place des « Directives anticipées incitatives psychiatriques » (DAIP) – qui font l’objet d’une étude nationale. Celles-ci permettent aux personnes concernées de faire connaître leurs souhaits et de désigner des personnes de confiance ; elles peuvent même prendre la forme de plans de crise.
Développer les équipes mobiles et les programmes de proximité
Les auteures suggèrent aussi de s’inspirer de l’étranger pour développer des alternatives à l’hospitalisation : services d’aides d’urgence de proximité pour prendre en charge des personnes handicapées en crise, équipes mobiles et d’accueil d’urgence non médicalisées, programmes de proximité non coercitifs et non médicaux, lieux de répit, centres de prise en charge temporaires…
La méconnaissance des spécificités du handicap et le cloisonnement entre le sanitaire et le médico-social demeurent des problèmes récurrents. Sans surprise, les auteures recommandent donc une meilleure formation des professionnels, en proposant par exemple d’intégrer dans les équipes, des pairs médiateurs de santé.
Enfin, un dernier volet de recommandations vise à simplifier les aspects réglementaires, que ce soit au niveau des établissements (pour mieux prendre en compte les souhaits des résidents) ou des enveloppes de financements trop rigides. Ce qui suppose, in fine, une volonté politique et une évolution des mentalités. Selon les auteures, il existe un réel affichage politique, sous la forme de stratégies en faveur de l’inclusion, mais les moyens alloués sont insuffisants pour que les changements soient tangibles sur le terrain. Simple exemple : malgré une tendance au développement de l’accueil de jour, le nombre de places en hébergement a continué à augmenter entre 2014 et 2018 (+5,5 %, soit 8 000 places supplémentaires). « Évoluer vers une suppression des institutions fermées ou une interdiction des soins sans consentement ne saurait suffire à favoriser l’inclusion des personnes ni l’accompagnement de leurs proches si des alternatives ne sont pas développées au sein de la société et le regard sur le handicap modifié », concluent-elles.
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