La transplantation de microbiote une future piste pour les troubles du spectre de l’autisme ? (Dr Roseline Péluchon, Journal International de Médecine)
Il peut être déroutant de retrouver un sujet sur le microbiote intestinal dans le programme d’un congrès de psychiatrie. A l’issue de l’intervention du Dr Vincent Trebossen, il semble toutefois qu’il y ait toute sa place.
Le microbiote intestinal, ce sont 1013 microorganismes représentant environ 2 kg du poids d’un homme de 70 kg. Ses fonctions sont nombreuses : rôle barrière, immunitaire, de protection contre les infections, rôle dans le métabolisme et interactions avec le système nerveux central.
Mais l’on sait aujourd’hui que le microbiote intestinal joue aussi un rôle dans le neuro-développement au travers de différents mécanismes. Le microbiote intestinal interviendrait dans la perméabilité hémato-encéphalique, dans la neurogénèse, la myélinisation des neurones, la survie, la croissance et la différenciation de ceux-ci et aurait aussi une action sur les cellules micro-gliales.
Des anomalies du microbiote peuvent-elles influencer le comportement ?
Il semble donc légitime de se demander si les anomalies du microbiote ont une influence sur le comportement. En 2014, une étude montrait que des souris « germ free » (sans microbiote) présentaient des capacités d’interactions et de communication altérées et des comportements répétitifs. Ces altérations étaient réversibles après recolonisation intestinale par des micro-organismes provenant de souris saines.
Chez l’homme, les travaux montrent que 30 à 50 % des patients présentant des troubles du spectre de l’autisme (TSA) présentent des symptômes gastro-intestinaux, avec un impact fonctionnel majeur et une qualité de vie altérée. Il semble de plus que leur présence majorerait les symptômes du TSA. Deux méta-analyses récentes retrouvent une dysbiose, constituée par une réduction de la diversité du microbiote, chez les sujets présentant des TSA. Mais si celle-ci est avérée, sa nature exacte est encore imprécise du fait de l’hétérogénéité des résultats en lien avec les paramètres confondants (environnement, alimentation, traitements, âge des sujets et manque de sujets contrôles).
La transplantation fécale serait-elle une voie d’avenir ?
La question se pose alors de savoir s’il est possible d’intervenir sur les symptômes des TSA à travers le microbiote.
L’administration de probiotiques ou de prébiotiques a déjà fait l’objet de quelques études cliniques dont les résultats sont encourageants, mais ne peuvent pas encore être généralisés.
Il existe une autre façon de moduler le microbiote intestinal : il s’agit de la transplantation fécale. Elle a fait l’objet d’études pré-cliniques chez la souris avec des résultats intéressants. Chez l’homme, en France, la transplantation de microbiote fécal a pour le moment une seule indication, l’infection récidivante à Clostridium difficile.
Une étude pilote était toutefois publiée en 2017, incluant 18 enfants avec TSA et présentant des symptômes gastro-intestinaux. Après 18 semaines de traitement, il apparaît une augmentation de la diversité du microbiote. Elle s’accompagne d’une réduction des symptômes gastro-intestinaux et de la sévérité des symptômes de TSA, avec une amélioration de la réciprocité sociale et une réduction des comportements répétitifs/stéréotypés. Un nouvel article publié 2 ans plus tard montre que l’amélioration initialement décrite chez ces sujets persiste et que, alors que 80 % des sujets avaient des symptômes sévères avant l’entrée dans l’étude, ils ne sont plus que 20 % lors de la dernière évaluation.
Cet essai comporte des limites méthodologiques, mais ses résultats sont prometteurs et ouvrent peut-être une nouvelle piste thérapeutique. Le Dr Trebossen souligne toutefois que des questions essentielles restent encore sans réponse, concernant notamment les mécanismes impliqués, qu’ils soient notamment biologiques, métabolomiques ou génétiques.
Dr Roseline Péluchon
RÉFÉRENCE
Vincent Trebossen – Transplantation de microbiote fécal dans les troubles du spectre de l’autisme. 12ème Congrès Français de Psychiatrie (e-CFP) –25-28 novembre 2020
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