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Troubles du spectre autistique : une prévalence en forte hausse, près de 1 % des enfants touchés (Coline Garré, Le Quotidien du Médecin)

Les dernières données publiées par Santé publique France dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH) du 10 mars mettent en évidence une augmentation des diagnostics de troubles du spectre de l’autisme (TSA)* ces quinze dernières années, jusqu’aux environs de 1 %, en cohérence avec une tendance déjà observée à l’étranger (où les estimations vont jusqu’à 1,5 %, voire 2,5 %).

Une prévalence de 8 à 10 ‰ chez les enfants nés en 2010

S’il n’existe pas en France de système de surveillance au niveau national, deux registres des handicaps de l’enfant, en Haute-Garonne (RH31) et en Isère, Savoie et Haute-Savoie (RHEOP) ont enregistré les enfants nés entre 1995 et 2010, et diagnostiqués avec un TSA ou une déficience neuro-développementale l’année de leurs 8 ans.

Ils montrent que la prévalence des TSA est passée de 2,3/1 000 enfants nés en 1995-1997 à 7,7‰ enfants nés en 2007-2009, en Haute-Garonne. Même constat pour le RHEOP : la prévalence est passée, d’une génération d’enfants à une autre, de 3,3 à 5,6 ‰ enfants. Parmi les enfants nés en 2010, la prévalence des TSA est de 8 ‰ pour le RHEOP, et de 10,2‰ pour le RH31.

L’augmentation de la prévalence concerne principalement les garçons, chez qui elle s’élève, pour les naissances de 2010, à 13,6‰ pour le RHEOP, et 16,5 ‰ pour le RH31. Soit quatre fois plus que les filles.

Une augmentation observée à l’échelle nationale

Au niveau national, les épidémiologistes de Santé publique France retrouvent des données similaires, en s’appuyant sur le système national des données de santé (SNDS). La prévalence se révèle maximale chez les 5-9 ans (7,2 ‰). Chez les enfants de 7 ans, elle est de 7,36 ‰, soit un enfant sur 136, et s’élève jusqu’à 11,45 ‰ pour les garçons et 3 ‰ chez les filles.

Au-delà des enfants, les TSA, en 2017, concerneraient 119 260 personnes, soit 1,79 ‰ habitants, dont trois fois plus d’hommes (2,79 vs 0,85), avec une tendance à la hausse depuis 2010 (où la prévalence était de 0,93). Dans la moitié des cas, il s’agit de troubles envahissants du développement, dans 28 % d’autisme infantile, d’autisme atypique dans 11 % des cas, et de syndrome d’Asperger (8 %).

Moins de retard intellectuel, mais des comorbidités

Les registres régionaux mettent en lumière une diminution significative de la proportion d’enfants présentant un retard intellectuel associé aux diagnostics de TSA (avec un passage de 70 % d’enfants présentant un retard intellectuel pour les naissances de 1995-1997 jusqu’à 30 ou 35 % selon les régions pour les petits nés en 2007-2009). Selon les chiffres nationaux, portant aussi sur les adultes, un retard mental était codé dans 12 % des cas, et 16 % pour l’autisme infantile.

Le RH31 et le RHEOP révèlent aussi une diminution de la proportion d’épilepsie (de 13 à 6 % pour le premier, et de 9 à 3 % pour le second), souvent liée à la présence d’une déficience intellectuelle. Au niveau national, une épilepsie était codée dans 2 % des cas de TED.

Mais la proportion d’enfants avec TSA présentant des comorbidités reste élevée, avec notamment une plus forte prévalence de paralysie cérébrale (2 %) qu’en population générale, soulignent les auteurs.

Multiples facteurs en cause

Comment expliquer l’augmentation de la prévalence des diagnostics de TSA, dont la sévérité tiendrait pour une grande part à l’héritabilité, sans qu’on puisse ignorer le rôle de l’environnement ? Les facteurs sont multiples, rappelle la déléguée interministérielle Autisme et troubles du neurodéveloppement, Claire Compagnon, dans l’éditorial. La hausse de la prévalence s’explique notamment par une évolution de la définition et des critères diagnostiques, par la sous-estimation antérieure liée au manque de campagnes de prévention et d’information, et par une meilleure détection précoce.

Mais encore de nombreuses personnes avec TSA ne sont pas identifiées en France, reconnaît-elle, fixant comme enjeu majeur leur meilleur repérage et connaissance de leurs conditions de vie – objectifs présents dans la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement présentée en avril 2018.

À cet égard, la cohorte ELENA, pilotée par l’équipe de la Pr Amaria Baghdadli (CHU Montpellier), a permis de recruter de 2013 à 2019, 900 enfants diagnostiqués avec un TSA, qui seront suivis jusqu’en 2025. L’objectif principal est d’identifier les phénotypes et trajectoires développementales du TSA, et leurs déterminants aux plans clinique, biologique et environnemental, ce qui devrait permettre d’améliorer le diagnostic et d’élaborer des mesures de prévention. Il s’agit aussi d’évaluer les parcours de soins et de décrire les caractéristiques psychosociales des parents et des fratries.

La stratégie nationale pour l’autisme prévoit le financement d’une cohorte d’ampleur, par le programme d’investissements d’avenir (PIA). Un appel à projet sera élaboré début 2020.

Une faible prévalence questionnante des TSA en Guyane

En 2016, la prévalence des TSA en Guyane était de 18,4 pour 10 000 enfants nés entre 2005 et 2010, selon une étude publiée dans ce même « BEH ». Ce taux, particulièrement faible par rapport aux données nationales et internationales, serait le témoin de difficultés d’accès aux droits et aux soins en Guyane, considèrent les auteurs. Ils pointent de grandes variations selon le lieu de résidence des enfants, avec des taux plus forts sur le littoral qui concentre la majorité de l’offre sanitaire et médico-sociale, et bien moindres à l’ouest, où les structures sont moins accessibles, et les représentations négatives du handicap, très prégnantes.

* Le TSA se caractérise par l’association de perturbations de la communication sociale et de profils de comportements stéréotypés et répétitifs.

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