Autisme et ISRS, une lecture critique (Dr Alain Cohen, Journal International de Médecine)
Réagissant à cette étude publiée dans European Psychiatry, des lecteurs de l’Université de Changsha (province du Hunan, en Chine) adressent à l’éditeur une lettre montrant à la fois l’intérêt des confrères chinois pour la littérature médicale internationale et l’acuité de leur perception épidémiologique. Sans contester la portée générale de cette étude (suggérant que le risque d’autisme est ainsi presque doublé), les lecteurs de Chine avancent trois arguments incitant à relativiser cette conclusion et à proposer d’autres recherches pour « mieux comprendre cette association. »
Des biais méthodologiques
Premièrement, ils notent l’existence d’un « biais » dans la méthodologie de cette étude irano-danoise, lié à un « défaut d’ajustement » avec une « source commune de données » (un registre danois) pour trois des études retenues dans la méta-analyse et un risque de « chevauchement des périodes d’étude et des échantillons de population ». Second point : ils réfutent l’utilisation de « données brutes » plutôt que de données ajustées. En particulier, les résultats exploitant des données brutes pourraient être pollués par des facteurs confondants comme « une pathologie mentale chez la mère et d’autres prescriptions médicamenteuses » (que les ISRS). Par conséquent, ces résultats devraient être interprétés « avec prudence », car ils pourraient s’apparenter en partie à des « faux positifs. »
Une incitation à de nouvelles études
Enfin, les lecteurs de Chine soulignent l’intérêt de réaliser de nouvelles études, plus précises : en effet, cette méta-analyse montre des différences importantes pour les niveaux du risque d’autisme infantile selon l’époque d’exposition in utero aux ISRS, ce qui peut se comprendre en fonction du stade neurodéveloppemental du fœtus. Par exemple, ce risque est très important durant le premier trimestre (OR = 3,5 ; IC95 [1,5–7,9]), mais « moins significatif » durant le troisième trimestre (OR = 2,2 IC95 [0,7–6,9]), et surtout le second trimestre (OR = 1,5 ; IC95 [0,5–5,0]. Si le principe de précaution impose bien sûr la prudence en matière de prescription d’ISRS chez la femme enceinte, la réalité semble ainsi plus contrastée : période d’administration, facteurs confondants, biais d’échantillonnage… Mais quoi qu’il en soit, l’intervention de ces confrères de Chine rappelle opportunément la nécessité de garder un esprit critique et une vision objective, dans l’interprétation de toute étude épidémiologique…
Dr Alain Cohen