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Pouvoir prédire l’autisme (Dr Alexandre Haroche, Journal International de Médecine)

Le développement de biomarqueurs en psychiatrie est un des enjeux actuels de la recherche neuroscientifique. Pour l’autisme, l’objectif est d’identifier des marqueurs précoces décelables avant l’apparition des premiers symptômes (généralement au cours de la deuxième année de vie). En 2013, Shen et al. avaient mis en évidence une augmentation du volume de liquide céphalo-rachidien (LCR) dans les espaces sous-arachnoïdiens chez des enfants développant ultérieurement un trouble du spectre autistique (TSA)(1). Les mêmes auteurs ont tenté de confirmer ces résultats dans une étude longitudinale multicentrique de plus grande envergure publiée dans Biological Psychiatry (2).

Un algorithme automatique

Ils ont réalisé des IRM cérébraux à 6, 12 et 24 mois de vie chez 221 enfants à risque de développement d’un TSA (c’est-à-dire ayant un frère ou une sœur plus âgés atteints) mais également 122 enfants à bas risque (frère ou une sœur plus âgés avec un développement normal). Les auteurs ont développé pour les besoins de l’étude un algorithme mesurant automatiquement le volume du LCR. Le critère de jugement principal (le diagnostic de TSA) était évalué à 24 mois selon les critères du DSM-IV.

Les 47 enfants à risque chez lesquels a été porté un diagnostic de TSA à 24 mois avaient bien une augmentation du volume de LCR dans les espaces sous-arachnoïdien à 6 mois par rapport aux autres enfants à risque et aux enfants à bas risque, y compris après ajustement sur le volume cérébral total (p = 0,0026). Ce résultat était également retrouvé à 12 et 24 mois. En moyenne, les enfants autistes ont un volume de LCR sous arachnoïdien supérieur de 12,20 cm3 par rapport aux autres enfants. Il n’y avait pas de différence entre les enfants à risque indemnes et les enfants à bas risque. De plus, parmi les enfants atteints, les formes plus sévères étaient associées à un volume de LCR sous arachnoïdien plus important (p = 0,02). En pratique, les auteurs calculent que l’utilisation du volume de LCR sous arachnoïdien à 6 mois permet de prédire la survenue d’un TSA avec une sensibilité de 66 % et une spécificité de 69 %.

Améliorer la prise en charge précoce

Un tel biomarqueur est une grande découverte pour la prévention et la prise en charge précoce de l’autisme. Elle s’inscrit dans un champ de recherche en pleine expansion, comme en témoigne un autre article publié dans Nature en février qui montre la valeur prédictive du risque d’autisme, d’une augmentation de la surface du cortex cérébral entre 6 et 12 mois (3). Dans l’étude de Shen, la reproduction des résultats par rapport à la publication de 2013, ainsi que l’automatisation de la mesure de ce marqueur font du volume du LCR sous arachnoïdien un excellent candidat pour être un biomarqueur de l’autisme, et pourrait à terme en guider la prévention et le traitement. Cependant, la sensibilité et la spécificité retrouvées ici restent pour l’instant trop limitées pour en proposer l’utilisation en pratique quotidienne. La prochaine étape sera d’évaluer la validité de ce marqueur dans une population à faible risque. A terme, on peut imaginer que l’association de ces différents indicateurs puisse conduire à une évaluation précise du risque.  Enfin, la signification biologique de ce marqueur reste inconnue. En effet, on ne sait pas si le LCR lui-même a un rôle dans la physiopathologie de l’autisme, ou bien s’il s’agit d’une conséquence d’un processus sous-jacent.

Dr Alexandre Haroche

Références
1. Shen MD, Nordahl CW, Young GS, Wootton-Gorges SL, Lee A, Liston SE, et coll.: Early brain enlargement and elevated extra-axial fluid in infants who develop autism spectrum disorder. Brain J Neurol., 2013; 136(Pt 9): 2825‑35.
2. Shen MD, Kim SH, McKinstry RC, Gu H, Hazlett HC, Nordahl CW, et coll. : Increased Extra-axial Cerebrospinal Fluid in High-Risk Infants Who Later Develop Autism. Biol Psychiatry. 2017; 82: 186‑93.
3. Hazlett HC, Gu H, Munsell BC, Kim SH, Styner M, Wolff JJ, et coll. : Early brain development in infants at high risk for autism spectrum disorder. Nature, 2017; 542(7641):348-51.

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