Maladie de Lyme : une série d’effets secondaires graves décrits chez des patients sous antibiothérapie prolongée (Damien Coulomb, Le Quotidien du Médecin)
La revue « Morbidity and Mortality Weekly Report » éditée par le Centre américain de contrôle des maladies (CDC) décrit une série de 5 cas clinique chez des patients atteints de la maladie de Lyme et traités par antibiothérapie prolongée. Pour le Dr Natalie Marzec (University of Colorado) et ses collègues coauteurs de l’article, ces cas illustrent les dangers de cette stratégie thérapeutique dont l’efficacité « n’est pas prouvée ». Le traitement recommandé pour la maladie de Lyme est antibiothérapie de 2 à 4 semaines.
« Il existe une croyance, chez certains patients et médecins, que la Borrelia burgdorferi peut provoquer les symptômes de la maladie de Lyme, même quand les tests sont négatifs, et ce malgré les preuves expérimentales qui recommandent de réaliser deux tests sérologiques », notent les auteurs. Les patients se voient souvent proposer des traitements « pour lesquels il n’existe pas de preuve d’efficacité », dont des prises d’antibiotiques prolongées pendant plusieurs mois ou années.
En France aussi l’existence de formes tardives de la maladie et leur traitement par une antibiothérapie au long cours font l’objet d’un intense débat.
Plusieurs chocs septiques
Le premier patient est une femme de 30 ans se plaignant de fatigue et de douleurs ostéoarticulaires. Son médecin pose le diagnostic de maladie de Lyme associée à une babésiose (transmise aussi par les tiques) et une infection à Bartonella. Malgré plusieurs cures d’antibiotiques oraux, ses symptômes s’aggravent. Les médecins décident de poser un cathéter central. Après 3 semaines de ceftriaxone et de céfotaxime IV, les douleurs persistent avec de la fièvre et rash. La patiente est hospitalisée en unité de soins intensifs. Elle décède des suites d’ un choc septique.
Le deuxième patient, une adolescente chez qui un diagnostic de syndrome de fatigue chronique est d’abord posé. Un deuxième avis conclura à un Lyme chronique. Une antibiothérapie orale (rifampicine, triméthoprime-sulfaméthoxazole, et doxycycline) est prescrite pour 3 mois mais doit être arrêtée en raison d’un mauvais bilan hépatique. Trois mois plus tard, un cathéter central est posé pour 5 mois d’antibiothérapie. À la fin du traitement, aucune amélioration n’est constatée mais le cathéter est maintenu. Une semaine après, la patiente est admise en urgence pour une fièvre. Une antibiothérapie est administrée via le cathéter mais la patiente doit être transférée en unité de soins intensifs pour un choc septique. Les prélèvements (sang et cathéter) révèlent un Acinetobacter. Le cathéter est retiré, la patiente peut sortir de l’hôpital.
La troisième patiente, d’une quarantaine d’années, développe un syndrome grippal, à la suite de plusieurs piqûres d’arthropodes. Après deux sérologies positives, le diagnostic de maladie de Lyme est porté et 4 semaines d’antibiotéhrapie (doxycycline) instaurée. Mais la patiente se plaint de fatigue, de troubles cognitifs et d’une intolérance à l’exercice. Deux ans après, le diagnostic de Lyme chronique est posé. Une antibiotéhrapie au long cours est instaurée (5 semaines, puis 4 mois, puis 6 mois via un cathéter). Un an plus tard, nouvelle antibiothérapie de 4 semaines. La patiente se plaint d’un mal de dos et fait un malaise. Le cathéter est retiré. Un Pseudomonas aeruginosa est isolé (sang et cathéter). Un scanner réalisé en raison de l’aggravation du mal de dos, montre une destruction de la 9e et 10e vertèbre thoracique et un IRM confirme une ostéodiscite. La biopsie osseuse permet d’isoler le même P. aeruginosa que celui du cathéter. La patiente a pu être traitée.
Le 4e patient, une femme d’une cinquantaine d’années, présente une faiblesse progressive, un gonflement et picotements des extrémités. Le diagnostic de polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique est posé puis, cinq ans plus tard, celui de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Elle consulte un autre médecin qui parle de Lyme chronique et de rickettsiose. Elle est mise sous antibiothérapie (après échec de la phytothérapie et de l’homéopathie) mais développe une infection à Clostridium difficile résistante au bout de 7 mois de traitement intensif. La malade décède 2 ans plus tard des suites de complications de sa SLA.
Un cathéter retiré et remis à répétition
Enfin, une femme de 60 ans atteinte de neutropénie auto-immune, d’arthrite dégénérative chez qui a été posé le diagnostic de maladie de Lyme. La patiente est traitée par immunoglobulines IV – un traitement souvent prescrit – toutes les 3 semaines via un cathéter et cela pendant plus de 10 ans. Elle est alors hospitalisée pour une fièvre et des douleurs cervicales. Son cathéter retiré et un Staphylococcus aureus isolé. Un nouveau cathéter est posé pour les immunoglobulines. Le cathéter sera régulièrement enlevé puis remis jusqu’à la survenue d’un abcès paravertébral qui nécessitera un drainage chirurgical.
« Ces cas éclairent la sévérité de la variété d’événement indésirable susceptible d’être entraînés par l’utilisation de traitements non validés contre la maladie de Lyme », affirment les auteurs. En plus du risque d’apparition de résistances bactériennes, « ces procédures inutiles peuvent causer des lésions, des infections bactériennes, des thromboses veineuses, et des opportunités manquées de traiter les véritables causes des symptômes du patient », concluent-ils.