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Intérêt de la mélatonine à libération prolongée dans l’insomnie primaire (Dr Isabelle Birden, Journal International de Médecine)

La mélatonine est secrétée en majeure partie par l’épiphyse (ou glande pinéale) à partir d’un acide aminé précurseur le tryptophane. Sa sécrétion est surtout nocturne pendant 8 à 10 heures en moyenne avec un pic vers 2 à 4 heures du matin, qui correspond au minimum de la température corporelle. La mélatonine a un rôle de synchroniseur endogène de différents rythmes circadiens et notamment celui de la température centrale et du rythme veille/sommeil (1). Les récepteurs à la mélatonine sont répartis dans tout l’organisme et en particulier dans le système nerveux central (hypothalamus, hippocampe, cervelet et rétine). La régulation de ces récepteurs est complexe. Pour certains auteurs, l’expression maximum de ces récepteurs qui coïncide avec le pic de mélatonine endogène suggère une absence de désensibilisation lors d’un traitement prolongé (2). Le principal synchronisateur de la mélatonine est le cycle lumière-obscurité (1). Le rythme circadien de sécrétion de mélatonine est très stable chez une même personne, mais il existe de très importantes variations d’un individu à l’autre.

La mélatonine dans l’insomnie primaire

La mélatonine et les perturbations du rythme circadien ont été particulièrement étudiées en psychiatrie, et notamment dans la dépression, où il existerait une diminution du pic nocturne de mélatonine avec, selon les patients, un retard ou une avance de phase. L’effet chrono hypnotique de la mélatonine et son rôle potentiel dans l’insomnie primaire (sans causes externes et sans comorbidité) ont aussi fait l’objet de nombreux travaux. Il a ainsi été montré que la mélatonine aurait un impact sur les rythmes veille/sommeil en inhibant les centres d’éveil (système dopaminergique notamment) et en induisant une vasodilatation périphérique à l’origine d’une baisse de température et d’une somnolence (3).

Quid des formes à libération immédiate et à la libération prolongée ?

La mélatonine à libération immédiate (LI) a une demi-vie très courte (30 minutes environ) et son métabolisme varie fortement selon les individus (4). Dans l’insomnie primaire, son effet  sur les différents paramètres du sommeil reste très limité comme l’a montré une revue de 14 essais cliniques randomisés et contrôlés versus placebo (5). La mise au point d’une forme à libération prolongée (Circadin 2 mg comprimés à LP), qui mime la sécrétion physiologique de mélatonine durant la nuit, présente dans ce domaine d’indéniables atouts (6). Et, plusieurs études cliniques randomisées en double aveugle versus placebo (conduites chez plus de 500 patients de 55 ans ou plus) ont confirmé que, contrairement à la mélatonine LI, la mélatonine LP améliorait de façon statistiquement significative la qualité du sommeil (diminution des réveils nocturnes), la vigilance matinale et/ou le fonctionnement durant la journée (7, 8,9). Etait aussi rapporté un raccourcissement significatif et cliniquement pertinent de la latence d’endormissement (10). De plus, dans l’étude de R. Luthringer et coll. (8), il a été montré que la mélatonine LP n’avait pas d’effet négatif sur la structure et l’architecture du sommeil analysées objectivement par polysomnographie et életroencéphalographie (EEG) sur une nuit entière. Enfin, le profil de tolérance de la mélatonine LP est favorable et aucun cas d’insomnie de rebond, de syndrome de sevrage ou de signe de pharmacodépendance n’a été rapporté après 3 semaines, 26 semaines ou 52 semaines de traitement (11).

Mélatonine LP en pratique

Circadin 2 mg est la seule mélatonine disponible en comprimé LP et c’est aussi la seule mélatonine à disposer d’une AMM européenne. Elle a été autorisée en 2007 par l’Agence Européenne des médicaments (EMA) dans l’insomnie primaire caractérisée par une mauvaise qualité du sommeil chez les patients de 55 ans ou plus (6). En 2012, L’EMA a prolongé sa durée d’utilisation de 3 à 13 semaines facilitant ainsi sa prescription dans l’insomnie primaire chronique.

Dans l’insomnie primaire, la mélatonine LP représente une alternative à la prescription de benzodiazépines, d’hypnotiques apparentés aux benzodiazépines, ou encore d’antidépresseurs sédatifs qui n’ont pas fait l’objet d’études contrôlées dans cette indication. Quand un traitement médical est nécessaire chez un patient de 55 ans ou plus avec insomnie primaire, la British Association for psychopharmacology recommande même la mélatonine LP en première intention (grade B) (12). La mélatonine LP est inscrite sur la liste II et doit ainsi relever d’une prescription médicale comme l’a récemment rappelée le Conseil d’état en lecture du 26 février 2014 (13).

Il est recommandé de prendre ce médicament à la même heure entre une ou deux heures avant le coucher et après le diner (de préférence entre 21h et 23h) (14). Les effets apparaissent dès le premier jour (diminution de la latence d’endormissement) et augmentent après quelques jours, voire quelques semaines de prise. L’efficacité (latence d’endormissement, vigilance matinale, qualité de sommeil) reste ensuite stable sous traitement.

Dr Isabelle Birden

Références
(1) Claustrat B et coll. : The basic physiology and pathophysiology of melatonin. Sleep Med Rev 2005 ; 9 : 11-24.

(2) Claustrat B : Mélatonine et troubles du rythme veille-sommeil. Médecine du sommeil 2009 ; 6 : 12-24.

(3) Lemoine P et Juenet N : Mélatonine et insomnie primaire. Supplà la revue du prat médecine générale ; 2013 (27), n°909 : 18.

(4) Iguchi H et coll. : melatonin serum levels and metabolic clearance rate in patients with liver cirrhosis ; J Clin Endocrinol Metab 1982 ; 54 : 1025-1027.

(5) Buscemi N et coll.: The Efficacy and Safety of Exogenous Melatonin for Primary Sleep Disorders – A Meta-Analysis. J gen intern med 2005 ; 20 : 1151-1158.

(6) EMEA Assessment report for circadin 2007.

(7) Lemoine P et coll.: Prolonged release melatonin improves sleep quality and morning alertness in insomnia patients aged 55 years and older has no withdrawal effects. J Sleep Res 2007 ; 16 : 372-380.

(8) Luthringer R et coll.: The effect of prolonged release melatonin on sleep measures and psychomotor performance in elderly patients with insomnia; Int Clin Psychopharmacol 2009 ; 24 : 239-249.

(9) Wade AG et coll.: Efficacy of prolonged release melatonin in insomnia patients aged 55-80 years: quality of sleep and next-day alertness outcomes. Curr Med Res Opin 2007 ; 23 (10) : 2597-2605.

(10) Wade GA et coll.: Nightly treatment of primary insomnia with prolonged release melatonin for 6 months: a randomized placebo controlled trial on age and endogenous melatonin as predictors of efficacy and safety. BMC Medicine 2010 ; 8 : 51.

(11) Lemoine P et Zisapel N: Prolonged-release formulation of melatonin (Circadin) for the treatment of insomnia. Expert Opin. Pharmacother 2012 ; 13 (6) : 895-905.

(12) Wilson SJ et coll.: British Association for Psychopharmacology consensus statement on evidence-based treatment of insomnia, parasomnias and circadian rhythm disorders. J Psychopharmacol 2010 ; 24 : 1577-601.

(13) Conseil d’État, N° 358005, ECLI:FR:CESSR:2014:358005.20140226.
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000028663293&fastReqId=937839674&fastPos=1

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