Autisme au Sénat : sortir des controverses et promouvoir les bonnes pratiques (Coline Garré, Le Quotidien du Médecin)
Ambiance feutrée au Sénat ce 15 juin pour un colloque sur « la prise en compte de la personne avec autisme tout au long de la vie », organisé à l’initiative de Bernard Lalande, sénateur de Charente-Maritime et Catherine Génisson (Pas-de-Calais). « Société inclusive, diagnostic précoce, formation des acteurs du social, du médico-social et de la santé et de l’éducation nationale, accompagnement des familles et fratries », les concepts agités en introduction – laissant dans le silence les controverses – donne le tempo. Qui se veut mesuré : « On a peut-être surmédicalisé la prise en charge du handicap, mais cela ne veut pas dire qu’il faut tomber dans l’excès inverse du « tout n’est qu’éducation » », résume Catherine Génisson, anesthésiste et vice-présidente de la commission des Affaires sociales.
Les preuves, pour construire une politique régionale
« La culture de l’opinion est parfois plus présente que la culture de la preuve », a déploré Michel Laforcade, directeur général de l’agence régionale de santé Aquitaine Limousin Poitou-Charentes (ALPC). Un constat regrettable, pour le champ de l’autisme, où « le très sérieux retard que la France avait il y a 10 ans n’est pas tout à fait comblé, tandis que la prévalence augmente », note-t-il.
Appliquée à une politique régionale de santé, la culture de la preuve commence par l’élaboration d’un diagnostic territorial partagé : « il faut se focaliser non sur l’offre, mais sur les besoins », a exhorté Michel Laforcade, mettant en garde contre les confusions entre besoins et demandes. « Il faut s’interroger sur ce que devrait être le parcours idéal et naturel et identifier les ruptures et lacunes », préconise le DG.
Michel Laforcade décline ensuite localement le 3e plan autisme selon 4 axes : la formation de tous les acteurs, l’accès au diagnostic précoce et tout au long de la vie (il a notamment mentionné pour les adultes les unités de séjour séquentiel d’observation), l’accès aux soins somatiques (et de citer en exemple l’hospitalisation de jour à Châtellerault) et l’amélioration de la qualité de l’offre, en prenant comme boussole les recommandations HAS-ANESM.
« Nous avons lancé une enquête sur les recommandations de bonnes pratiques. Cette appropriation n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Le social et le médico-social ont besoin de s’inspirer de la médecine et d’aller plus loin dans les preuves », a indiqué Michel Laforcade. « Le rôle de l’ARS est de demander aux professionnels s’ils sont dans la théorie (modifiable selon l’évolution des connaissances) ou dans l’idéologie (de l’ordre de la croyance)», a-t-il insisté. Et de conditionner la signature des CPOM avec les établissements sociaux et médico-sociaux à la présence d’un plateau de services indispensables, et au respect des bonnes pratiques, a-t-il ajouté, suivant en cela les orientations données par Ségolène Neuville lors du dernier Comité national autisme.
Plaidoyer pour la coordination autour de la personne
Le Pr Manuel Bouvard, chef du pôle psychiatrie du CHU de Bordeaux, appelle à individualiser les prises en charge. « Il faut passer du spectre autistique à l’individu. La personne ne doit pas être perdue dans la masse », explique-t-il, insistant sur l’importance d’identifier les troubles associés (TDAH, troubles du langage, de l’attention, etc.) pour intervenir dessus. L’enjeu devient alors le bilan, puis la construction d’un projet personnel individualisé et actualisé au cours de la vie de la personne. Environ 60 % des enfants ont un diagnostic posé, et seulement 20 % des adultes, note-t-il.
Le maître-mot est alors la complémentarité entre les familles, l’éducation nationale, le sanitaire et le médico-social. « Il ne faut pas aller l’un contre l’autre ». S’il met en garde contre la « démédicalisation » à tous crins, il prône en revanche la « désinstitutionnalisation de l’autisme » et le changement de culture : « il faut mettre la personne au centre, pas l’institution », dit-il.
Avant de conclure sur l’importance de la recherche non seulement expérimentale, ou génétique et épigénétique, mais aussi la recherche-action. Qui appelle, encore une fois, l’orchestration de compétences plurielles.
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