A vous de juger. Vives critiques des psychiatres contre l’interdiction du parking (Coline Garré, Le Quotidien du Médecin)
Plusieurs instances représentatives des psychiatres dénoncent l’interdiction du packing, contenue dans la circulaire budgétaire du 22 avril 2016 adressée aux établissements et services médico-sociaux, et annoncée par la secrétaire d’État aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville, lors du dernier Comité national autisme.
La circulaire précise en effet que « la signature des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) avec des gestionnaires d’établissements et services accueillant les personnes avec des troubles du spectre de l’autisme est strictement subordonnée au respect d’engagements de lutte contre la maltraitance, et donc à l’absence totale de pratique du packing ». S’appuyant sur les observations du comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations-Unies, les autorités estiment que le packing doit être considéré comme une « mise en danger de la santé, de la sécurité et du bien-être moral et physique des personnes accompagnées par ces établissements ».
Lettre ouverte du Collectif des 39
Le Collectif des 39 publie dans le « Huffington post » une lettre ouverte à Marisol Touraine et Ségolène Neuville pour demander une révision de l’interdiction du packing, une décision qui outrepasse la compétence d’un « législateur, administrateur, gestionnaire ou technocrate », lit-on. « Sur quels arguments vous fondez-vous pour disqualifier l’action d’équipes soignantes formées et expérimentées qui utilisent le packing avec discernement, en accord avec les familles ? », questionne le Collectif.
La lettre accuse le gouvernement de se livrer à « ce qui ressemble étrangement à une chasse aux sorcières » à l’encontre des tenants de la psychanalyse ou de la psychothérapie institutionnelle. « Nous lisons dans votre texte la volonté de discréditer en raison de leur orientation théorique des équipes soignantes engagées depuis des années auprès d’enfants et d’adultes (….), qui refusent de marcher au pas que cherchent à leur imposer des gestionnaires sous influence de lobbies vantant la supériorité supposée d’une éducation opérant sur le mode du conditionnement », écrit le collectif, sous la plume (entre autres) des psychiatres Paul Machto, Hervé Bokobza, et Philippe Rassat. Et de pointer une volonté de « normaliser » les patients, une « démarche qui évoque des régimes anti-démocratiques ».
Colères des universitaires et hospitaliers à l’encontre des tutelles
Mi-mai, le Collège national pour la qualité des soins en psychiatrie (CNQSP), le collège national des universitaires de pédo-psychiatrie (CNU de pédo-psychiatrie), et la fédération française de psychiatrie avaient déjà fait part de leurs inquiétudes dans un communiqué commun. « Un obscurantisme pensant s’installe » dénoncent les psychiatres, évoquant des « dérives antidémocratiques ». « Avec une extrême violence polémique, certains courants hostiles au système de soins et à la protection sociale se targuent d’avoir droit de cité dans les cabinets de nos ministères. Des lobbyistes s’expriment dans les instances de la république comme s’ils étaient des sous-ministres ou leurs superviseurs », lit-on.
Dans la même veine, le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) déplore une disqualification et diffamation de la psychiatrie alors que « les méthodes éducatives – référence dans le discours des tutelles – sont loin de faire l’unanimité quant à leur efficacité (…) et que les prises en charge autres que celles strictement recommandées aujourd’hui n’ont pas été discréditées par la science ». « Pire, les recherches actuelles visant à les évaluer sont d’emblée balayées d’un revers de main, sous des prétextes fallacieux », écrivent le président et la secrétaire générale du SPH le Dr Marc Bétrémieux, et le Dr Isabelle Montet.
Un soin utilisé dans des indications précises
« Ségolène Neuville n’est pas dans le compromis, mais dans la compromission avec les associations », accuse le Pr David Cohen, président du CNU de pédo-psychiatrie, qui défend le packing dans certains cas d’automutilations sévères, de pathologies borderline, ou de certains troubles psychotiques. « Les associations, le ministère, ne savent de quoi on parle pas plus que le comité de l’ONU », poursuit le Pr Cohen.
Le chef de service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de la Pitié-Salpêtrière fait en revanche observer que le comité de lutte contre la torture de la commission européenne a visité son unité en 2012 (à la suite d’une plainte contre la France d’Autisme Europe) sans que les inspecteurs n’y trouvent matière à ouvrir une information. En novembre 2013, le contrôleur général des lieux de privation de liberté note que « la pratique du « packing » a fait l’objet d’études et d’évaluations de l’équipe médicale de la Pitié tant du point de vue thérapeutique qu’éthique. Il apparaît qu’elle est mise en œuvre avec discernement, dans le respect du bien-être du patient, exclusivement sur prescription médicale et avec l’accord des parents ».
« Il n’y a pas beaucoup d’études sur le packing », reconnaît le Pr Cohen, en soulignant néanmoins qu’il s’agit d’un soin utilisé depuis le XIXe siècle. Un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) a été lancé en 2008 au CHRU de Lille. « Il est fini et en cours d’exploitation par la cellule de statisticiens », indique le Pr Pierre Delion, coordonnateur du programme, qui espère une publication des résultats, portant sur une quarantaine d’inclusions, dans une revue scientifique en septembre prochain.