Pollution atmosphérique : Deux visions complémentaires (Le Quotidien du Médecin, entretien avec le Pr Denis Charpin)
Tandis que le pneumologue face à son patient est confronté essentiellement au risque individuel lié au tabagisme, le spécialiste en santé publique considère le risque engendré par la pollution atmosphérique pour l’ensemble de la population.
Le thème de la pollution atmosphérique revient en force. Il avait perdu de son actualité dans les années 1980, la pollution industrielle ayant été relativement maîtrisée. Les pollueurs étaient identifiés et les pouvoirs publics s’étaient attachés à les réguler. Mais le sujet ressurgit dans les années 1990 et les chauffages industriels et collectifs ainsi que l’automobile en portent la responsabilité.
La pollution atmosphérique suscite donc aujourd’hui un débat sociétal. La Société de pneumologie de langue française (SPLF) estime que le sujet est un peu délaissé par les pneumologues et veut faire entendre sa voix qui n’est pas tout à fait la même que celle de la santé publique. En effet, deux notions statistiques se confrontent : le risque individuel et le risque collectif.
Le risque individuel lié à la pollution atmosphérique est faible
Le risque lié au tabac et certains risques professionnels sont bien plus importants. Récemment, un sondage sur les facteurs de risque de cancer du poumon auprès du grand public incriminait comme première cause la pollution atmosphérique suivie par le tabagisme actif. Les pneumologues ont le souci de garder la hiérarchie des risques face à un patient. Le tabac est évidemment pour eux le risque numéro 1.
Le spécialiste en santé publique voit ça d’un autre œil. Il considère que lorsqu’on cumule le risque élémentaire de la pollution auprès de chacun, risque faible individuellement, on trouve un risque collectif (risque attribuable) très important. On considère, par exemple, que 15 % des nouveaux cas d’asthme chez l’enfant sont liés à la pollution atmosphérique, 20 à 25 % des BPCO et près de 30 % des cardiopathies ischémiques. Pourquoi cette discordance ? Parce que la pollution atmosphérique concerne tout le monde et le tabagisme « seulement » 30 % de la population.
Le vrai problème : la pollution de fond
Que faire ? « D’abord, prendre conscience, insiste le Pr Denis Charpin. Ce qui n’est nullement le cas aujourd’hui. Les médias jouent un rôle pervers dans l’information car ils insistent sur les pics de pollution, la circulation alternée occupe toute l’actualité, mais le vrai problème est la pollution de fond. La France est mise à l’amende par l’Europe car elle dépasse le taux moyen en particules fines. Les moteurs diesel font également parler d’eux mais les moteurs à essence ne sont pas innocents. Il faut tout de même réaliser que le diesel d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a 20 ans ! ».
La France doit respecter les réglementations européennes en termes d’émissions particulaires. L’organisation des villes doit être repensée, l’habitat moins dispersé, les trajets et la circulation réduits dans les centres ville. Il faut que les voitures consomment moins de carburant.
Quoi qu’il en soit, le niveau de pollution particulaire diminue lentement mais régulièrement.
Une autre difficulté en matière de communication provient du fait que les études épidémiologiques de plus en plus puissantes sont capables de mettre en évidence des effets des polluants sur la santé qui passaient autrefois inaperçus. Elles signalent, par exemple, des relations entre la pollution atmosphérique de fond et l’autisme, certaines maladies neurodégénératives ou encore le diabète. « On en parle aujourd’hui, souligne D. Charpin, mais ces relations ont probablement toujours existé et par médias interposés, le grand public a le sentiment que la situation s’aggrave. Or, les traceurs de la pollution atmosphérique diminuent ».
Entretien avec le Pr Denis Charpin, chef de service de pneumologie allergologie, hôpital Nord, Marseille